lecture de la situation actuelle et propositions économiques et sociales.
Le G20 a marqué un sursaut international susceptible de redonner confiance et espoir. Les responsables politiques ont su trouver un langage commun face aux difficultés financières de la planète. La France y a pleinement joué son rôle de force de propositions et d'initiatives.
Pour autant, ce n'est pas un aboutissement, mais un point de départ. Conservons l'élan de ce sommet pour enclencher de nouvelles dynamiques. La crise est loin d'être derrière nous. Trop d'incertitudes demeurent sur la reprise de la demande mondiale et sur l'assainissement du système financier pour considérer la guérison acquise. D'une ampleur inégalée, elle marque la fin d'un modèle de croissance et un basculement de la puissance économique de la zone euroaméricaine vers la zone asiatique.
Sur le front intérieur, les marges de manœuvre sont étroites. Trop peu de relance, et c'est le risque d'un allongement de la crise et d'une déstabilisation de notre tissu social. Trop de dépenses publiques, et c'est le risque, par un endettement excessif, de marges de manœuvre rognées, d'un risque inflationniste et d'un prévisible recours massif aux impôts. Dans cet exercice difficile, nous devons privilégier tout ce qui peut accélérer la sortie de crise, en prenant en compte les peurs et les mécontentements qui s'expriment un peu partout en France. Que la détermination montrée ici comme ailleurs dans le sauvetage des institutions financières soit aujourd'hui mise en œuvre dans la lutte contre le chômage et dans la garantie de nos systèmes de protection sociale. Les Français attendent aujourd'hui qu'une même énergie soit déployée pour traiter deux questions centrales : l'avenir de notre modèle de protection sociale, et la définition d'une nouvelle stratégie économique.
L'exigence sociale d'abord. Elle constitue aujourd'hui une priorité face à la montée du chômage, inédite par son ampleur et sa rapidité. La montée en puissance du Fonds d'investissement social doit permettre d'apporter des réponses concrètes, au cas par cas, aux situations les plus difficiles. Mais, au-delà, la crise fait ressortir de graves inquiétudes sur un modèle éducatif perçu comme inégalitaire, sur des régimes de retraite fragilisés ou sur la pérennité de notre système de santé. Nous n'échapperons pas à une grande réflexion sur le financement de notre protection sociale. Je propose que trois messages forts soient envoyés aux Français. D'abord en matière de justice sociale et pour une meilleure répartition des efforts, la contribution des plus aisés doit être accrue par un relèvement temporaire du bouclier fiscal. Une autre piste consisterait à augmenter de manière transitoire le taux de la plus haute tranche de l'impôt sur le revenu à 45 %.
Ensuite, en matière de retraites. Nous disposons d'un outil, le Fonds de réserve des retraites. Renforçons-le en y apportant des participations non stratégiques de l'État, et les revenus financiers qu'il perçoit au titre du plan de sauvetage des banques. Ainsi, nous dirons à nos concitoyens que ce que nous avons fait pour nos banques, nous pouvons le faire pour nos retraites.
Enfin, je propose de sanctuariser le budget de l'Éducation nationale pour le reste du quinquennat, tout en le recentrant sur ses missions essentielles. Le plan de relance a mis l'accent sur les infrastructures. Mais quoi de plus essentiel que l'investissement dans le savoir des générations futures ? Nous pourrions aller plus loin en imaginant sur le modèle de ce qui est fait pour la Défense de proposer une loi de programmation pluriannuelle en faveur de l'éducation et de la connaissance.
Il nous faut également une stratégie économique. Une nouvelle hiérarchie mondiale va se mettre en place. Certains pays sortiront plus forts de cette crise. Je pense à l'Allemagne, qui continue de faire de l'excellence de son appareil industriel le moteur de sa croissance, aux régions les plus innovantes des États-Unis ou aux économies indienne et chinoise. Quels sont les secteurs qui tireront la France de demain ? Quels moyens leur attribuer ? Notre aide à l'innovation est faible, dispersée et mal coordonnée. La recherche spatiale représente 40 milliards de dollars aux États-Unis, 4 milliards d'euros pour l'Europe. Il devient urgent de créer aujourd'hui une vraie agence européenne de l'innovation, capable de définir une dizaine de filières clés et de mettre de vrais moyens sur la table. Elle pourrait se financer en lançant un emprunt européen en faveur de l'innovation. Enfin, quelles relations entre nos champions nationaux, nos PME et notre recherche publique ? J'ai renforcé, lorsque j'étais à Matignon, les pôles de compétitivité initiés par Jean-Pierre Raffarin. Ils ont permis de dynamiser la croissance et de créer des liens forts entre recherche et industrie. Ils doivent redevenir un outil central de notre politique industrielle, en y injectant les fonds nécessaires. Je propose là encore de créer un vrai service public de l'innovation en France, conçu comme un point de contact unique pour les entreprises en matière d'aide, de subvention et de développement.
Mais la France ne surmontera pas la crise seule dans la compétition multipolaire. C'est l'occasion de donner un second souffle à l'Europe. Le spectre de faillites d'États et le libre jeu des égoïsmes nationaux soulignent l'urgence d'un gouvernement économique de la zone euro. Le renforcement récent du couple franco-allemand est un signe positif. Travaillons sur cette lancée pour mettre à plat nos divergences sur le terrain énergétique et lancer une réflexion sur la sécurité des approvisionnements. Mettons en place une vraie politique industrielle commune en renforçant nos engagements dans l'industrie spatiale ou automobile. Et pourquoi ne pas aller plus loin, en cherchant ensemble des convergences en matière de fiscalité et de protection sociale ?
Choisissons l'initiative : un gouvernement concentré sur les enjeux économiques et sociaux de long terme, conscient de sa place en Europe et dans le monde, soucieux de la singularité forte de son modèle, qui est un atout dans cette crise majeure. Ce sont là les clés pour sortir renforcés de ces épreuves.