Accord mondial pour
un nouveau capitalisme
03/04/2009 | Mise à jour : 15:27 | Commentaires 184 | Ajouter à ma sélection
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DOSSIER - A l'issue du G20, le FMI voit ses ressources tripler, la France et l'Allemagne obtiennent gain de cause sur la régulation des marchés financiers et Pékin impose son influence dans l'arène des grands.
Malgré le scepticisme entourant ce sommet «historique», le G20 de Londres a frappé fort. Face à la crise la plus grave depuis les années 1930, les dirigeants des plus grandes puissances mondiales ont décidé jeudi d'injecter 1 000 milliards de dollars supplémentaires dans l'économie, à travers les institutions financières internationales, dont les ressources sont dopées.
Même s'il ne s'agit pas de nouveaux plans de relance, en raison de l'opposition franco-allemande, les chiffres annoncés jeudi à Londres ont fait bondir les marchés, un gage de succès pour Gordon Brown, hôte de la réunion. Le G20 évalue à 5 000 milliards de dollars les dépenses déjà engagées par ses membres d'ici à mi-2010, ce qui devrait augmenter le PIB mondial de 4 %. «Il s'agit du plus grand plan de soutien macroéconomique jamais mis sur pied», s'est félicité Gordon Brown.
Premier vainqueur du sommet, sur le plan financier : le FMI, qui voit ses ressources tripler, passant de 250 à 750 milliards de dollars, un effort sans précédent, conforme à la volonté des États-Unis, réalisé grâce au Japon, à l'Union européenne, à la Norvège et au Canada. Plus novateur, les droits de tirage spéciaux du Fonds (DTS), l'unité de compte du FMI, sont revalorisés de 250 milliards de dollars, ce qui revient à faire marcher la «planche à billets» à l'échelle internationale, une solution qui n'est pas sans risques pour l'inflation. Cela ne semble pas inquiéter le G20, qui, à l'exception de l'Allemagne, redoute surtout la déflation.
Sur le plan politique, la palme du sommet revient, sans conteste, au couple franco-allemand qui a réussi à imposer sa patte sur le communiqué final, en exigeant une réglementation aussi précise que possible des marchés financiers et une nouvelle régulation internationale. «C'est au-delà de ce que nous pouvions espérer !», s'est félicité Nicolas Sarkozy. À défaut d'avoir obtenu la publication, par le G20, d'une liste noire de paradis fiscaux, sujet trop délicat sur le plan diplomatique en raison de l'opposition de la Chine, le président français estime avoir arraché au camp anglo-saxon une «réforme du capitalisme mondial». «C'est la fin du consensus de Washington», a reconnu le premier ministre britannique Gordon Brown.
Après avoir mis une forte pression sur Londres et Washington, Paris et Berlin ont obtenu gain de cause sur leurs principales lignes rouges : l'enregistrement des «hedge funds» et des agences de notations ; l'encadrement des bonus des traders ; des limites à la titrisation - une technique financière qui consiste à revendre les crédits sous forme de titres - ; la révision des normes comptables ; l'engagement du G20 à prendre des sanctions contre les paradis fiscaux. «L'ère du secret bancaire est révolue», a insisté Gordon Brown, renvoyant la publication d'une liste des centres «non coopératifs» à l'OCDE, et le détail des sanctions à la prochaine réunion des ministres des Finances du G20. À travers le nouveau Conseil de stabilité financière, un «forum» (FSF) aux pouvoirs renforcés, la France estime détenir la «nouvelle organisation mondiale de la finance».
Priorité des priorités pour Paris et Berlin, la question des paradis fiscaux aura empoisonné le sommet jusqu'à la dernière minute. Le président Hu Jintao s'est fermement opposé à la stigmatisation de Hongkong ou Macao, contestant les critères et légitimité de l'OCDE dans cette affaire. Pour apaiser les tensions, Gordon Brown avait pris soin de placer Nicolas Sarkozy à côté du président chinois lors du dîner officiel à Downing Street. Le résultat fut un petit compromis. «Que la Chine accepte de faire référence à l'OCDE, un organisme dont elle n'est pas membre, c'est déjà énorme !», estime Nicolas Sarkozy.
La fermeté du couple franco-allemand
Sur le plan diplomatique, c'est l'affirmation de la Chine, forte de ses 2 000 milliards de dollars de réserves, qui a marqué le sommet du G20 et ses participants. Très affaiblis par la crise financière, montrés du doigt pour leur responsabilité, et surtout, peu préparés sur le détail des négociations, les États-Unis sont apparus en retrait dans les discussions. Les Chinois n'ont pas ouvertement critiqué le rôle du dollar comme monnaie de réserve, mais ils ont laissé les Russes le faire à leur place. Pékin n'a pas seulement contesté la légitimité de l'OCDE, organisation basée à Paris, mais dominée par les Américains. Le président chinois a exigé une réforme rapide du FMI, qui lui donne plus de droits, afin de transformer cette «annexe du Trésor américain» en organisation représentative des nouveaux équilibres du monde.
Pris en tenaille entre la Chine et les États-Unis, les Européens ont réussi à tirer leur épingle du jeu, en imposant leurs vues sur la régulation, grâce à la fermeté du couple franco-allemand, plus indispensable que jamais.