Premier mai : la force de l'unité
160 000 manifestants à paris, plus d’un million dans toute la France. La journée d’histoire comptera pour la suite du mouvement.
Reportage à Marseille : Josette, Jean, Robert et Sylvie ont défilé ensemble. Pour deux d’entre eux, c’était une première.
Marseille (Bouches-du-Rhône), correspondant régional.
Ils sont éparpillés tout au long de l’imposant cortège marseillais de ce 1er Mai. « Même avec les portables, on n’a pas réussi à se retrouver. » Mais ces quatre-là sont restés ensemble, en début de cortège, où la sono et les pétards couvrent les slogans comme les sonneries.
Il y a Josette, ancienne salariée dans le nettoyage industriel, « virée à cinquante ans ». Des années de petits boulots ensuite, puis désormais l’allocation de solidarité. Josette n’est pas forcément de toutes les manifs. Mais, aujourd’hui, elle voulait en être : « Il y a tellement de choses à dire, tellement de trucs qui ne vont pas… sauf pour les patrons qui n’ont pas trop à se plaindre. Enfin, je parle des gros, pas des petits. »
À ses côtés se trouve son frère, Jean. Technicien informatique, il a perdu son emploi le 1er novembre 2008 : « Depuis un an, on sentait les choses venir. Le but du jeu, pour la direction, c’est de rogner sur la masse salariale pour payer les dividendes des actionnaires. » Son ancien salaire : le SMIC, « et encore annualisé », sans parler des heures supplémentaires pas payées. Issu d’une famille de communistes depuis plusieurs générations - « j’ai distribué l’HD quand j’étais petit » -, Jean ne rate pas un défilé : « Je manifeste pour montrer ma détermination à ne pas me laisser faire et pour dire que là où certains parlent de meilleure répartition des richesses, moi, je veux une répartition totalement différente des richesses. Ce n’est pas pareil. » Il affirme « ne rien attendre de ce gouvernement ». Simplement, ça le « regonfle de voir que (je) ne suis pas seul dans (mon) coin », dit-il en jetant un coup d’œil au plus important défilé du 1er Mai que Marseille ait connu depuis bien des années. Avec lui, son compagnon, Robert, bat le pavé marseillais pour la première fois. De nationalité belge, il est arrivé de sa Flandre natale à Marseille en 2005. Programmeur informatique. En Belgique non plus, il n’avait jamais manifesté. Il résume ainsi le sens de ce pas franchi : « Contre la politique qui n’aide que les patrons et ne fait rien les salariés. »
Première également pour Sylvie, la belle-fille de Josette. Femme de ménage à temps plein depuis quatre ans, elle touche le salaire minimum. La crise la frappe directement au porte-monnaie. « On ne peut pas réduire le logement ou le chauffage, alors on serre le budget nourriture. Je peux vous dire que cet été, on ne sera pas nombreux sur les plages. » Cette mère de deux enfants (treize et onze ans) formule également son inquiétude quant à l’avenir de l’éducation. En quelques mots comme en cent, elle lâche : « Y en a marre de leurs conneries qui nous retombent dessus. Il faut que le gouvernement prenne conscience que c’est le peuple qui l’a élu et que ce peuple a des attentes. » La sono crache la chanson des Zebda, Motivés.
Christophe Deroubaix