Les défilés de la fête du Travail, organisés ce vendredi dans une unité syndicale historique face à la crise, ont rassemblé incomparablement plus de manifestants que ceux des 1ers mai précédents, mais semblent être restés en deçà de la dernière mobilisation nationale du 19 mars qui avait vu manifester entre 1,2 et 3 millions de personnes. 465.000 manifestants selon la police, près de "1,2 million", selon la CGT, ont été comptabilisés dans toute la France.
Au total, plus de 280 défilés unitaires étaient prévus dans tout le pays. Ils sont dirigés contre la politique du gouvernement accusé de ne pas suffisamment relancer la consommation et de maintenir certaines réformes contestées (hôpital, éducation..). Est aussi visé le patronat, soupçonné de profiter de la crise pour multiplier les plans sociaux tout en continuant d'empocher des dividendes.
Les syndicats ont appelé salariés, retraités, chômeurs, jeunes, familles, à défiler "massivement" pour faire de ce 1er mai une démonstration de force, dans le prolongement des manifestations des 29 janvier (entre 1 et 2,5 millions de manifestants) et 19 mars (entre 1,2 et 3 millions).
Pour la première fois de leur histoire, les principales organisations de salariés regroupés dans un "G8 syndical" (CGT, CFDT, FO, CFTC, CFE-CGC, FSU, Solidaires -dont Sud- et Unsa) défilent ensemble.
A Paris, le nombre de manifestants s'élevait à 160.000 personnes, a-t-on appris auprès des syndicats (65.000 d'après la police), contre seulement 30.000 le 1er mai 2008, mais 350.000 le 19 mars, selon les mêmes sources. "Nous sommes contents pour Paris, c'est une mobilisation importante pour un 1er mai, la plus importante depuis 2003", a déclaré à l'AFP Anne Le Loarer de la CGT-Ile de France alors que la tête du défilé, partie de la place Denfert Rochereau vers 14H15 arrivait à son terme à la Bastille, peu après 16H00.
"Ça s'explique par le caractère inédit unitaire et la volonté des salariés de se faire entendre. Ils veulent de vraies réponses", a-t-elle ajouté. Pour Annick Coupé (Solidaires-Sud), "c'est un 1er mai inhabituel, par rapport aux 1er mai habituels, ça n'a rien à voir."
A Bordeaux, la police a annoncé 13.500 manifestants et les organisateurs 50.000. Le 1er mai 2008, ces chiffres allaient respectivement de 2.000 à 4.000, et le 19 mars dernier, de 36.000 à 100.000.
Dans beaucoup d'endroits, les salariés directement touchés par les réductions d'effectifs occupent les premiers rangs des cortèges, comme à Toulouse avec les salariés de Molex, et ceux du groupe américain Freescale (puces électroniques, suppression de 800 emplois annoncée).
A Compiègne (Oise), 5.000 à 11.000 personnes (respectivement selon la police et les organisateurs), ont défilé avec les ouvriers de Continental, quasiment tous présents, dans une ambiance plutôt festive.
A Grenoble, les salariés du privé ouvraient le cortège. Au micro défilaient des salariés de Caterpillar et, regroupés derrière un cercueil, de l'équipementier automobile allemand Schaeffler, dont une usine va être fermée dans la région. "Du travail, pas la mort", pouvait-on lire sur la banderole des Schaeffler.
A Marseille, les manifestants ont remonté la Canebière derrière des salariés de la dernière entreprise de réparation navale placée en liquidation judiciaire, l'UNM. Dans la cité phocéenne, FO organise un défilé à part.
A Lille, le défilé unitaire derrière une banderole "Ensemble ne soyons pas les victimes de la crise", a rassemblé quelque 2.800 personnes selon la police, 5.000 selon la CGT, bien loin des 15.000 et 60.000 du 19 mars, mais bien plus nombreux que le 1er mai 2008 (entre 1.00O et 1.500).
Dans l'ouest, à Rennes, la police a recensé 5.000 manifestants et les organisateurs 10.000, contre respectivement 14.000 et 38.000 le 19 mars, et 2.000 à 4.000 l'an dernier.
Les partis de gauche (PS, NPA, Europe-Ecologie, PCF et autres) sont aussi mobilisés. Ségolène Royal, qui a défilé à Niort avec les salariés d'Heuliez a estimé que cette journée était l'occasion "de se battre pour que tout le monde ait du travail".
Le ministre du Travail Brice Hortefeux a quant à lui minimisé la portée historique des manifestations unitaires, estimant jeudi qu'elles avaient un air de "déjà vu" en 2002 et 2003.
Avant même le terme de cette journée, les suites à donner à la mobilisation sociale occupent les esprits.
Pour M. Mailly, partisan d'un appel à 24 heures de grève, "il faut monter d'un cran" pour faire bouger le gouvernement. Opposé à cette idée, M. Chérèque fait cependant "le pari que (les syndicats) resteront unis dans les mois qui viennent".