Les pays émergents emportés dans la tourmente de la crise financière
[ 24/10/08 ]
Les économies émergentes ne sont pas épargnées par la crise financière. Elles sont confrontées aux mêmes problèmes de liquidité bancaire que les pays industrialisés. Certaines souffrent de circonstances aggravantes comme une dette élevée ou une forte dépendance aux matières premières.
Un point positif : les matières premières ont constitué ces dernières années une manne irremplaçable pour les pays émergents. |
Dans le passé, les crises financières naissaient dans les pays émergents et n'avaient qu'un faible impact sur le monde industrialisé. Cette fois, ce sont eux qui subissent les brutales retombées de la tornade financière qui s'est formée aux Etats-Unis avant de gagner le reste de la planète. Ce phénomène de contagion relève des mêmes mécanismes que celui qui a touché le Vieux Continent, il y a quelques semaines. A la différence près qu'il est amplifié par les diverses fragilités inhérentes à leur condition de pays émergents.
L'impact que tous ces pays ressentent de plein fouet, c'est la « liquidation sauvage d'actifs », selon les termes d'un expert, dans un mouvement de défiance généralisé : « Les investisseurs se débarrassent de tout, actions et obligations, pour se rabattre sur des placements plus sécurisés comme les bons du Trésor américain ! » explique Juan Carlos Rodado, économiste à Natixis. Ce désengagement a provoqué la chute des Bourses, parfois violente. Les devises ont suivi le mouvement, en particulier les monnaies sud-africaine, turque, hongroise, mexicaine, polonaise, obligeant parfois les banques centrales, comme avant-hier en Hongrie, à relever fortement les taux d'intérêt. Si quelques grands pays comme le Brésil ou la Russie ont cru pouvoir échapper à la crise, c'était une illusion.
Enchaînement infernal
De l'Argentine à la Pologne, les banques subissent une crise de confiance et de liquidité qui les oblige à restreindre progressivement leur financement. « Dans ce contexte particulièrement dur, les pays qui présentent des faiblesses supplémentaires, bulles immobilières, dépendance aux matières premières, déficit courant ou endettement élevés sont particulièrement exposés », souligne Juan Carlos Rodado, parce qu'ils ont besoin de volumes de financement plus importants que d'autres. La Hongrie, qui cumule un déficit courant atteignant 5 % du PIB, un endettement extérieur très élevé (91% du PIB) et des ménages largement endettés en devises, est dans ce cas. « Les besoins de financement sont importants mais, surtout, de plus en plus coûteux. Avant-hier, l'Etat a renoncé à émettre des obligations tellement la rémunération exigée était élevée », explique l'économiste. La suite de l'enchaînement infernal est connue : faute de se voir offrir des financements suffisants, les entreprises réduisent leur production, et les ménages leur consommation.
Un autre phénomène aggravant est celui de la chute du prix des matières premières. La plongée actuelle des cours (le prix du baril a chuté de plus de moitié depuis juillet) va mécaniquement assécher leurs revenus d'exportation et leurs recettes fiscales. C'est le cas de la Russie et du Venezuela pour le pétrole, du Brésil et de l'Argentine pour les produits de base. Au même moment, le fort ralentissement de la demande des pays industrialisés, Etats-Unis et Europe en tête, affecte la croissance des économies asiatiques.
Un point positif, cependant, les pays émergents sont souvent mieux armés que certaines économies industrialisées pour faire face à cette crise majeure. Ils ont connu en moyenne de très fortes croissances entre 2002 et 2007. Souvent grâce au pétrole, aux produits agricoles et miniers, qui ont constitué une manne irremplaçable ces dernières années. Les réserves de change de la Russie avaient ainsi atteint 597 milliards de dollars en août dernier avant le déclenchement de la crise. Un pactole qui lui permet aujourd'hui d'intervenir pour soutenir ses banques et sa monnaie. Et d'aborder les prochains mois avec une moindre inquiétude que les pays occidentaux.