Déterminants de l’investissement selon Keynes
L’incertitude conduit les agents décideurs à adopter des comportements spécifiques. Pour Keynes, ils se plient à des conventions et se soumettent au mimétisme : chacun fait se qu’il croît que les autres vont faire... Keynes attribue au chef d’entreprise un rôle essentiel : c’est lui qui décide de la production (donc de l’emploi) qui sera effectivement mise en œuvre. Cette décision est prise en comparant les recettes attendues pour chaque niveau de production et les coûts entraînés par cette production. Ce raisonnement se situe dans la courte période, c’est à dire à équipements constants (l’entrepreneur peut faire varier le temps de travail utilisé, pas le stock de capital technique dont il dispose). L’essentiel de sa décision repose donc sur les anticipations de recettes (les coûts sont bien connus, ils sont facilement prévisisbles). Cette anticipation est fonction du tempérament du chef d’entreprise et de l’état général de l’opinion (climat plus ou moins optimiste).
La production décidée ne trouvera en face d’elle une demande suffisante que dans la mesure où les prévisions seront vérifiées. C’est peu probable parce que la vie économique est caractérisée par des aléas nombreux. Les variables qui commandent les décisions des consommateurs sont relativement faciles à prendre en compte (la propension à consommer varie peu à court terme).
La consommation est une fonction croissante du revenu.
C’est la "loi psychologique fondamentale de consommation" qui indique que la propension marginale à consommer est positive, comprise entre 0 et 1 et décroissante avec le revenu.
Quand la quantité d’emplois augmente, le revenu global augmente. On peut alors tracer la demande de consommation anticipée comme une fonction de la demande de travail.
La demande totale anticipée de produits ( C + I ) constitue la recette totale anticipée. Celle-ci doit être comparée aux coûts de production anticipés. Ils augmentent avec la quantité de travail employée.
Lorsque la recette totale anticipée est égale au coût total anticipé, le niveau d’emploi correspond à la production optimale à partir de laquelle on ne peut plus augmenter le profit.
C’est le "principe de la demande effective". |
- le taux d’intérêt d’une part, qui dépend de [*l’offre de monnaie de la banque centrale*] et du taux de la [*préférence pour la liquidité*] - cette notion de préférence pour la liquidité est une innovation keynésienne, elle est présentée en bas de cet article.
- le profit escompté d’autre part.
Le profit escompté c’est pour Keynes, [*l’efficacité marginale du capital*], nouvelle notion introduite par Keynes et expliquer en bas de cet article.
Celle-ci est fonction des investissements déjà réalisés. Les investissements sont engagés par ordre d’efficacité décroissante. Les plus rentables sont réalisés en premier. Ainsi l’efficacité marginale du capital décroit quand la quantité d’investissement augmente. Pour un taux d’intérêt donné, tous les projets dont l’efficacité est supérieure à ce taux seront réalisés. Le taux d’intérêt est obtenu sur le marché de la monnaie. Le revenu est d’abord dépensé en consommation et ce qui reste, c’est à dire l’épargne, fait l’objet d’un arbitrage entre placements et monnaie liquide (non placée, ce sont les billets et la monnaie détenue sur le compte courant). Le taux d’intérêt est le prix qu’il faut payer pour que les agents renoncent à détenir de la liquidité. Pour Keynes il y a en effet une préférence pour la liquidité. L’offre de monnaie est décidée par la banque centrale : c’est une donnée exogène. La demande de monnaie augmente quand le taux d’intérêt diminue, ce qui revient à dire que la demande de placements augmente quand le taux d’intérêt augmente.
préférence pour la liquidité et efficacité marginale du capital
[( Efficacité marginale du capital
La définition donnée par Keynes n’est pas évidente :
e = « le taux d’escompte qui, appliqué à la série d’annuités (Ri) constituée par les rendements escomptés de ce capital pendant son existence entière, rend la valeur actuelle des annuités égale au prix d’offre de ce capital (B) ». (Théorie générale de l’emploi de l’intérêt et de la monnaie, Ch apitre 11).
e est donc le TRI (taux de rendement interne) ou selon Irving Fisher (1930), le taux de rendement par rapport au coût.
e est tel que :
B = R1/(1+e) + R2/(1+e)2 + ....+ Rn/(1+e)n
exemple : si B = 100 et R1 = 110 alors e = 10 %
Prise en compte des anticipations à deux niveaux
- l’idée que l’entrepreneur se fait de l’évolution des taux d’intérêt
- l’idée qu’il se fait du rendement e lui-même (prévision sur la durée d’utilisation du capital, sur les résultats à attendre de l’exploitation ce qui suppose d’apprécier la conjoncture générale, les phénomènes de mode, l’évolution du coût des approvisionnements, l’évolution de la concurrence).
Quelle que soit la situation financière de l’entreprise, l’investissement est réalisé si e > i. Ce qui vrai au niveau micro est extrapolable au niveau macro. Il existe donc une courbe d’efficacité marginale du capital et une fonction d’investissement
Remarques :
- la forme de la courbe d’investissement découle de la relation entre l’investissement et le taux d’intérêt de marché. Par soucis de simplification, elles sont linéaires alors qu’elles sont concaves dans le cas général relativement aux rendements décroissants.
- la place de courbe d’investissement découle des anticipations des entrepreneurs et de la politique budgétaire. La politique monétaire en revanche a un effet sur le niveau du taux d’intérêt. Elle entraîne son augmentation ou sa diminution ce qui modifie la décision d’investissement : une politique monétaire “accomodante” stimule l’investissement et inversement pour une politique monéraire de réduction du crédit. L’effet final dépend donc de la forme de la fonction de préférence pour la liquidité.)]
[( Préférence pour la liquidité
La fonction de demande de monnaie keynésienne a deux composantes :
- une demande de monnaie pour les transactions et de précaution) désignée par Md1
- une demande de monnaie dite de spéculation désignée par Md2
- Le motif de transaction se justifie par le fait que les dépenses sont échelonnées contrairement à la perception du revenu.
- Le motif de précaution renvoie à la volonté d’opérer des achats avantageux, d’être en mesure de faire face à des dépenses inopinées.
La baisse du taux d’intérêt génère un accroissement de l’encaisse de spéculation. La raison tient à la relation entre le taux d’intérêt (i) du marché et le prix de marché du titre (V) qui produit un revenu fixe (R).
V = R / (1+i) + R / (1+i)2+ R / (1+i)3+ ....+ R / (1+i)n
V / (1+i) = R / (1+i)2+ R / (1+i)3+ ....+ R / (1+i)n+1
V - V/(1+i) = R / (1+i) - R / (1+i)n+1
par approximation = R / (1+i) donc V = R / i
Le prix de marché d’un titre varie inversement au taux d’intérêt proposé sur le marché. Ex : si la valeur faciale d’un titre est 100 et son taux d’intérêt facial de 10%. Si le taux d’intérêt de marché est 12% , le prix de marché du titre est 10/0,12 = 83,13
Par contre, si le taux d’intérêt de marché est 8%, V = 10/ 0,08 = 125
Md = Md1(y) + Md2(i)
Pour i1, Md2 est peu importante. De nombreux spéculateurs pensent que les taux d’intérêt vont baisser donc que les prix des titres monteront. Il est préférable dans ce cas de détenir des titres plutôt que de la monnaie (des encaisses spéculatives). Pour i2, la majorité des spéculateurs considèrent que les taux d’intérêt sont faibles, il est probable qu’ils augmenteront donc les risques de moins value en capital (et de rendements négatifs) sont très importants. Il y a une forte préférence pour la liquidité : une forte demande d’encaisses spéculatives.
On remarque qu’un accroissement de l’offre de monnaie, tout en satisfaisant Md2, permet une baisse de i jusqu’à un niveau minimum où l’on tombe dans la trappe à liquidité.
Exemple : achat de titres publics (passage de Mo1 à Mo2) par la banque centrale satisfait Md2 de certains tandis que d’autres achètent des titres privés après avoir vendu leurs titres publics Ë baisse de i.
[*La trappe à liquidité*]
Pour i = im , Md2 est infiniment élastique de i. Tous les agents pensent que i va croître donc il vaut mieux constituer les encaisses spéculatives et l’achat par les autorités monétaires de titres publics satisfait complètement cet objectif.
- l’innovation de Keynes quant à la demande de monnaie concerne les motifs de précaution et surtout de spéculation.
- i est le prix du renoncement à la liquidité, le taux d’intérêt définit la forme que prend l’épargne mais pas son niveau (en relation indirecte avec le revenu selon les keynésiens).
- la prise en compte de la préférence pour la liquidité est un fondement de la remise en cause de la loi de Say
- une situation de trappe à liquidité est caractéristique d’une période de crise économique selon Keynes (ce qui n’est pas le cas pour les années 1990 ni pour le début des années 1930). Une politique monétaire est alors inefficace (i ne peut plus baisser) et la politique budgétaire ne peut pas être financée sur le marché financier (préférence pour la liquidité infinie). Il faut donc un financement monétaire de la politique budgétaire.
- le profit escompté des investissements qui dépend des anticipations et du niveau d’investissement déjà réalisé.)]