"Le creux à venir va avoir la même amplitude que le pic que l'économie a gravi depuis 15 ans"
Sir Ronald Cohen est un visionnaire. Cet homme de 63 ans, qui dû fuir l'Egypte pour l'Angleterre, avec sa famille, à l'âge de 11 ans, a fait l'essentiel de sa carrière dans le capital développement. Il est l'un des financiers les plus respectés outre-Manche et un proche du premier ministre anglais Gordon Brown.
Fondateur du fonds d'investissement Apax Partners, il a financé et donc participé à l'émergence d'AOL, Apple, Virgin Radio, entre autres. Depuis son départ en retraite d'Apax, en 2005, il milite pour le développement de l'entrepreneuriat social. Pour réduire la pauvreté dans le monde et contribuer au processus de paix entre Israéliens et Palestiniens. Il était de passage à Paris jeudi 6 novembre, à l'occasion de la parution de l'édition française de son livre Le second rebond de la balle (ed. : Saint-Simon ; 262 p.)
Vous êtes un proche de Gordon Brown. Êtes-vous à l'origine de son plan de sauvetage des banques ?
Non. Mais je suis un grand supporter de ce plan. Et très heureux de voir que le président Sarkozy et Gordon Brown ont fait équipe pour recourir à un schéma qui commence à montrer qu'il est le bon. Personne ne connaît l'économie comme Gordon Brown. C'est l'homme juste au moment juste et nous, anglais, avons de la chance de l'avoir. Car il a appris à pénétrer le système financier international depuis plus de dix ans.Pensez-vous que les Bourses vont continuer de baisser ?
Oui, car elles ne reflètent pas encore la réalité économique. Il faut encore six à neuf mois pour que tous les problèmes financiers se révèlent.
Tous les secteurs seront-ils touchés ?
Le creux à venir va avoir la même amplitude, que le pic que l'économie a gravi depuis quinze ans. Peu de secteurs seront épargnés. Mais nous rebondirons. Il faudra un an ou deux avant que les consommateurs ne recommencent à consommer et les investisseurs à investir.
Dans votre livre, vous dites qu'il faut anticiper le prochain rebond. Ou sera-t-il ?
C'est un bon moment pour investir dans des sociétés ou des fonds qui rachètent des crédits aux banques, avec des décotes importantes. Car les marchés surréagissent. Ou dans le capital développement.
Mais est-il raisonnable de créer ou d'investir dans une entreprise quand les marchés sont déprimés ?
Les fonds de capital développement qui ont des centaines de milliards à investir, vont jouer un rôle très constructif dans cette crise, en finançant de grandes sociétés, leur permettant d'être agressives quand les marchés boursiers sont gelés.
Vous dites aussi que "pour réussir les entrepreneurs doivent rechercher les situations d'incertitude et en tirer avantage". La situation est propice !
On dit couramment qu'un entrepreneur doit avoir le goût du risque. Cette idée est fausse. Il doit profiter de l'incertitude. Savoir la cerner, se mettre en position d'en profiter. Ce n'est pas une question de chance, car on peut apprendre à analyser l'incertitude. Il ne s'agit pas de partir à l'aveuglette, de s'aventurer.
L'élection de Barack Obama va-t-elle modifier la politique économique des Etats-Unis ?
Il devra nommer un secrétaire du trésor expérimenté et prudent. Il devra s'occuper des conséquences sociales de cette crise. Sinon, tout le système sera en danger. Le chômage, les saisies immobilières toucheront des millions de personnes provoqueront des explosions sociales, partout dans le monde.
Comment les gouvernements pourront-ils traiter ces problèmes sociaux ?
En investissant et en incitant les entreprises à en faire autant par des subventions et avantages fiscaux. En stimulant l'entrepreneuriat social qui créé l'indépendance et non la dépendance. Je pense que c'est crucial. Nous devons arriver à avoir un impact fort sur la croissance et l'emploi grâce à ce secteur comme nous l'avons fait avec le capital développement en trente ans. L'idée que les oeuvres caritatives doivent être menées par des personnes mal rémunérées qui se sacrifient doit changer. J'ai demandé au gouvernement britannique d'allouer 300 millions de livres (368 millions d'euros) pour créer une banque sociale d'investissement. Le fonds social que j'ai créé, Bridges Ventures a 115 millions de livres. Seize professionnels le gèrent. Les rendements sont excellents. Nous levons actuellement 100 millions de livres pour investir dans l'immobilier des quartiers.
Vous avez aussi créé Portland Trust en faveur de la paix au Moyen-Orient. En quoi cela consiste-t-il ?
Il s'agit d'une Fondation qui a des bureaux à Londres, Tel Aviv et Ramallah. Nous travaillons depuis un an et demi à un programme d'investissement qui aiderait les Palestiniens à construire des logements d'un prix raisonnable. Nous avons aussi des programmes de microfinance. Je participe aussi à la création d'un fonds pour entrepreneurs sociaux palestiniens et israéliens, Keren Orr. Car la prospérité et la paix sont est corrélées.