Pour la plupart des Américains, Barack Obama, le nouveau président des Etats-Unis, incarne l'espoir. Pas pour Wall Street. En dépit de son gigantisme (1 000 milliards de dollars), le plan de sauvetage bancaire proposé cette semaine par son secrétaire au Trésor Timothy Geithner a déçu les investisseurs. Enormément déçu. En une semaine le Dow Jones a reculé de 5,20 % pour finir, vendredi 13 février à 7 850,41 points, son niveau de 2002. Dans son sillage les marchés européens ont décliné de 4 % à Paris pour le CAC 40, de 2,38 % pour le Footsie de Londres ou encore de 4,98 % pour le DAX à Francfort.
"Avec Obama on attendait de nouvelles règles pour un changement de monde, un sauvetage durable des banques, et on a des pansements au système financier, on reproduit les mêmes erreurs que celles de l'administration Bush", explique Philippe Waechter, responsable de la recherche chez Natixis AM. "Ce plan n'est pas un plan, seulement un ensemble de principes (...), idéologiques : ne pas nationaliser les banques. Et politiques : ne pas les subventionner trop ouvertement", estime James Saft éditorialiste au Herald Tribune.
Les autorités américaines ont légèrement corrigé le tir vendredi en annonçant de nouvelles mesures pour aider les emprunteurs immobiliers et éviter que des créances encore "saines" ne se transforment en crédits pourris plombant un peu plus les comptes des établissements. Mais pour Wall Street, l'Etat n'en fait toujours pas assez. "Qu'on le veuille ou non, les Etats-Unis devront nationaliser des pans entiers du système bancaire", juge M. Saft. Et, selon lui, plus on attendra plus il faudra payer.
Il y a urgence. Sans une aide radicale au système financier, l'économie réelle ne peut pas repartir. Or, le marché voit les signes de plus en plus manifestes de l'écroulement progressif de l'économie. Aux Etats-Unis comme ailleurs. En zone euro, par exemple, le PIB s'est contracté de 1,5 % au quatrième trimestre. Un recul historique. Aucune entreprise n'échappe au marasme.
Qu'elle vende des écrans plats comme Pioneer, des voitures comme Peugeot (PSA), des billets d'avions comme Air France, toutes voient leurs revenus s'éroder. Même Coca-Cola, et son ennemi Pepsi ont, cette semaine, annoncé respectivement une baisse de leurs profits de 3 % et 9 % en 2008.
Pour réduire leurs coûts les sociétés licencient : 10 000 postes seront supprimés chez Pioneer, 11 000 départs sont programmés chez PSA et 1 000 à 1 200 postes chez Air France, 3 300 chez Pepsi. Ceux qui ne sont pas déjà au chômage ont peur de l'être bientôt. Tous resserrent leur budget, n'achètent plus d'auto, d'écrans plats, boivent moins de soda, et ne partent plus en voyages, ou beaucoup moins loin. Le cercle vicieux de la récession est en marche.
Pour les investisseurs rien ne va plus. Le rachat de Fortis par BNP Paribas tant attendu a échoué. Et si le ministre du budget, Eric Woerth, s'est dit "très très heureux" que le groupe pétrolier Total, "une grande entreprise française", ait réalisé un profit record de 14 milliards d'euros, en 2008, le marché, lui n'a pas réagi. "Les bénéfices ont été réalisés surtout sur la première partie de l'année, maintenant le pétrole baisse", résume Jean-Louis Mourier, économiste chez Aurel BGC.
Même les OPA réussies n'enthousiasment plus les investisseurs. Le titre du groupe minier Rio Tinto a ainsi dégringolé vendredi à la Bourse de Sydney malgré l'annonce d'un rapprochement avec le chinois Chinalco. Ross Denford, analyste chez SAS Global, interrogé par l'agence Dow Jones Newswire, a jugé cet accord "honteux", soulignant que Rio avait rejeté une OPA de son concurrent anglo-australien BHP Billiton plus "rassurante" pour les actionnaires.
Les investisseurs sont dépités. Les analystes de Credit suisse conseillent à leurs clients d'"éviter d'investir sur le marché d'actions". Une solution radicale mais prudente. "Le CAC 40 peut chuter jusqu'à 2 400 points", prédit Alexandre Le Drogoff, analyste graphique chez Aurel BGC. Quant au Dow Jones, il pourrait, "rapidement", tomber jusqu'à 6 500 points, indique-t-il. C'est-à-dire baisser de plus de 20 %.
Reste un espoir, celui de gagner de l'argent dans les pays émergents. Depuis le début de l'année, les Bourses des BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine) progressent, s'envolent presque. A Shanghaï notamment, l'indice CSI a pris plus de 27 % depuis le mois de janvier. Mais les investisseurs redoutent qu'il ne s'agisse d'un feu de paille. "Pour jouer, il faut attendre", conseillent ainsi les analystes de Deutsche Bank.