"Le Japon ne pourra pas s'en sortir tout seul"
Par Julie de la Brosse, publié le 16/02/2009 18:48 - mis à jour le 16/02/2009 19:46
REUTERS
Dans une rue de Tokyo, le 12 février, un tableau électronique montre les mouvements de la Bourse.
Le PIB du Japon a chuté de 12,7% au dernier trimestre 2008. Pourquoi la deuxième économie mondiale est elle entrée aussi rapidement dans la crise? Les explications de Danielle Schweisguth, économiste à l'OFCE.
Le PIB de l'économie japonaise a chuté de 12,7% au dernier trimestre 2008. Comment expliquer ce recul ?
Ces chiffres sont catastrophiques. La Japon vit sa plus grave crise depuis l'après guerre. En cause, l'effondrement des exportations qui ont chuté de 14% au quatrième trimestre. La baisse de la demande mondiale a conduit à une perte de compétitivité des entreprises japonaises. En l'espace d'un an et demi, la monnaie nippone s'est appréciée d'environ 40%. Avec un taux de change si désavantageux, les Toyota sont aujourd'hui invendables quand les écrans plats sont largement concurrencés par les prix coréens. Pour la première fois depuis des années, le Japon est en déficit commercial.
Par ailleurs, l'investissement a aussi considérablement chuté. Les anticipations des entreprises sur la baisse des ventes n'arrange pas la situation économique du pays. Finalement, la Japon a été touché plus tôt que les autres pays par la crise de l'économie réelle.
Pourquoi le taux de change est-il si défavorable ?
Depuis la crise des années 90, les taux d'intérêts au Japon ont toujours été très bas. Partout ailleurs, ils étaient élevés. Les investisseurs empruntaient donc en yen pour placer leur argent ailleurs, ce qui leur permettaient d'obtenir des rendements très intéressants. Mais quand les taux d'intérêts ont baissé à la suite de la crise de l'été 2007, le Japon a assisté à un retour des capitaux. Ce qui a inévitablement poussé la monnaie à la hausse.
Il suffirait alors de dévaluer le yen...
Une des solutions serait en effet de dévaluer la monnaie. Seulement se greffent ici des questions d'ordre diplomatiques. En temps de crise, les économies mondiales tentent d'agir de concert. Si le Japon choisit aujourd'hui de dévaluer le yen, il court le risque de se mettre les grandes économies mondiales sur le dos. Et de perdre sa crédibilité face aux différentes banques centrales. Le problème c'est qu'actuellement, personne n'a intérêt, sauf le Japon, à ce que le yen soit déprécié.
Les plans de relance annoncés depuis août 2008 sont-ils suffisants ?
Actuellement, trois de plans de relance ont été adoptés, d'une valeur totale d'environ 600 milliards d'euros. Mais seulement 80 milliards ont été affecté à la relance du marché intérieur. Pour le reste il s'agit avant tout de garantir des prêts. Ces 80 milliards correspondent à l'addition de mesures dérisoires, comme le soutien à l'investissement des entreprises, la distribution de chèques aux ménages, la baisse des cotisations chômage... En moyenne, elles équivalent seulement à 2% du PIB. Pour avoir l'effet multiplicateur désiré, il faudrait un plan de relance équivalent à 5% du PIB, à l'image de ce qui a pu se décider aux Etats-Unis ou en Chine.
Pourquoi cette frilosité dans l'adoption des plans de relance ?
Le Japon est dans une situation très délicate. Sa dette publique atteint 180% du PIB. A titre d'exemple la dette publique française s'élève à seulement 65% du PIB. La marge de manoeuvre reste donc importante chez nous. Au Japon au contraire, la question de la soutenabilité de la dette est devenue centrale. Dans les années 1990, le pays a lancé d'importants plans de relance qui n'ont pas eu les effets escomptés. Depuis, les Japonais craignent la relance budgétaire car ils en payent encore les conséquences. Or la situation internationale est tellement dégradée que la pari de la relance à perte est très risqué. Surtout lorsqu'en interne on se déchire sur la politique à mener.
Pourquoi l'adoption des plans de relance est-elle si difficile au Japon ?
Le gouvernement en place ne contrôle qu'une seule des deux chambres du Parlement. L'entrée en vigueur des mesures est donc retardée par ces dissensions en interne. L'opposition est en faveur des plans de relance quand la majorité craint la mise en place de mesures massives. Et pour cause, depuis 2000, elle s'efforce de stabiliser le niveau de la dette publique, et souhaiterait davantage augmenter la TVA...
Quelles sont les solutions pour la deuxième économie mondiale ?
Le Japon ne pourra pas s'en sortir tout seul. Avec la meilleure volonté du monde, l'économie est trop basée sur le commerce extérieur pour qu'un plan de relance parvienne seul à sauver l'économie du pays. Sa seule chance serait que l'anticipation sur les taux de change se stabilise à la baisse. Et que l'économie mondiale se porte mieux afin que le Japon puisse à nouveau tirer parti de sa spécialisation dans les nouvelles technologie