Christian Noyer: «La zone euro, un havre de stabilité»
29/05/2008 | Mise à jour : 19:00 | Commentaires 11
Christian Noyer à Paris, en février 2006. Crédits photo : Le Figaro
INTERVIEW - Le gouverneur de la Banque de France est le témoin privilégié de l'euro.
LE FIGARO. Vous étiez vice-président de la BCE au moment de sa création le 1er juin 1998, sept mois avant le lancement de l'euro. Pouvait-on alors imaginer que le projet puisse capoter?
Christian Noyer - Rétrospectivement cela apparaît comme un pari un peu fou. Des économistes américains réputés affirmaient que le projet ne pourrait jamais se réaliser et qu'il y avait des risques d'éclatement ! Nous savions que nous n'avions pas le droit à l'erreur et que nous ne pouvions nous permettre d'être en retard. Il n'y avait pas de scénario B. Techniquement, le fait de créer un marché monétaire et une monnaie unique venant remplacer les onze monnaies nationales d'une population de 300 millions n'avait pas de précédent historique. Notre objectif premier était d'assurer dès le départ la crédibilité de la nouvelle monnaie, tant auprès des marchés que du grand public.
Considérez vous que l'euro est un succès total?
Pour moi, c'est un grand succès. Notre but était que les performances de l'euro reflètent et même améliorent les performances des meilleurs monnaies nationales, le mark, le florin et le franc français, et que les taux d'intérêt soient le plus bas possibles et non pas la moyenne des monnaies préexistantes. Cet objectif a été atteint, l'euro inspire confiance, à l'intérieur de l'Europe et à l'étranger. Par ailleurs la zone euro constitue un havre de stabilité sans précédent, à l'abri des mouvements de changes, par définition, mais également sur les taux d'intérêt. Les entreprises et les ménages n'ont plus à craindre de brutales et dommageables tensions sur les taux comme c'était le cas auparavant lors des crises financières. Depuis 10 ans, le marché monétaire unique fonctionne parfaitement, comme nous en avons apporté de nouveau la démonstration lors de la crise bancaire de l'été dernier.
L'opinion publique éprouve un sentiment de déception en matière de croissance...
Il y a là un grave malentendu. Tout d'abord les performances sont bien meilleures qu'on ne le prétend généralement. En dix ans, la zone euro a créé 16 millions d'emplois, ce qui est infiniment plus que durant les dix années précédentes, et bien supérieur aux résultats américains sur la même période. Certes la croissance peut apparaître moins flamboyante que certains ne l'avaient rêvée. Mais la raison ne tient pas à l'euro mais aux réticences de certains pays de procéder aux réformes structurelles nécessaires pour améliorer la croissance potentielle. La preuve en est que les économies qui les ont réalisées ont enregistré de meilleures performances que les autres. C'est le cas de la Finlande, dont la croissance n'a rien à envier à sa voisine la Suède - qui elle est restée en dehors de l'euro - mais également de l'Allemagne sur les années récentes. Les Allemands, qui étaient entrés dans l'euro avec un handicap de compétitivité l'ont aujourd'hui complètement résorbé. Ne tombons pas dans la tentation de faire de l'euro un bouc émissaire.
L'euro a été considéré comme un fauteur d'inflation au moment de l'introduction des billets et des pièces en 2002...
Il ne faut pas exagérer l'ampleur du phénomène qui n'a représenté en 2002 qu'une hausse supplémentaire de 0,2?% de l'ensemble des prix à la consommation. Cette hausse était il est vrai d'autant plus visible qu'elle se concentrait sur quelques produits achetés quotidiennement. En revanche l'euro s'est accompagné d'une plus grande concurrence au sein de l'Europe et cela pèse sur le niveau des prix à l'avantage des consommateurs. Par ailleurs même aujourd'hui où les risques inflationnistes au niveau mondial n'ont jamais été aussi grandes depuis des décennies avec la flambée des matières premières, les Européens peuvent avoir le sentiment, grâce à l'euro, que ce défi sera relevé.
La France se porterait-elle mieux si elle avait gardé le franc?