Le Brésil moins pauvre, mais toujours aussi inégalitaire
27/05/2008 | Mise à jour : 08:00 | Commentaires 4
Le village de Carbet au Brésil, créé par des orpailleurs. Crédits photo : Philip POUPIN/Redux-REA
10 % de la population concentre les trois quarts de la richesse du pays.
C'est avec un grand sourire que Marina montre son gros ventre : son premier enfant devrait naître le mois prochain, et la jeune femme est fière d'annoncer qu'il aura sa propre chambre. Son mari, Roberto, vient de terminer les travaux dans leur minuscule maison en banlieue de Rio de Janeiro. «La vie n'est pas toujours facile, mais ça va beaucoup mieux pour nous», raconte la petite brune. Maçon, Roberto passe de chantier en chantier, profitant du boom de la construction, et Marina n'a plus à envoyer d'argent à sa famille restée dans le Nordeste : le gouvernement leur verse tous les mois une petite allocation, destinée aux plus pauvres.
Comme des millions de Brésiliens, Marina parvient à sortir de la misère, bénéficiant d'un contexte économique exceptionnel : plus de 5 % de croissance l'année dernière, près de 2 millions de créations d'emplois formels, et des programmes sociaux pour les plus défavorisés. Un cocktail expliquant le taux de popularité record du président da Silva, près de 70 %, à l'issue de six ans à la tête de l'État.
Le Brésil de Lula est moins pauvre, il n'en est pas pour autant devenu plus juste. L'Institut national de recherches économiques (Ipea, équivalent de l'Insee français) vient de tirer la sonnette d'alarme : les 10 % les plus riches de la population concentrent aujourd'hui 75,4 % des richesses, une proportion similaire à celle de la fin du XVIIIe siècle, quand le pays était encore une colonie portugaise. L'indice Gini, qui mesure l'inégalité, s'est même dégradé au cours du dernier demi-siècle. Il était de 0,5 en 1960, il atteint 0,56 aujourd'hui l'indice est compris entre 0 (égalité absolue) et 1 (inégalité maximale). «Un pays dont le Gini dépasse 0,4 témoigne d'une inégalité brutale», résume Marcio Pochmann, directeur de l'Ipea.
Réforme fiscale
La principale raison du fossé est la politique fiscale. Alors que les prélèvements atteignent 22,7 % du revenu des 10 % les plus riches, ils amputent 32,8 % de celui des 10 % les plus pauvres. Cette anomalie s'explique par le fait qu'au Brésil, les principaux impôts sont indirects à l'exemple de la TVA française touchant les biens de consommation. Les plus pauvres consommant l'essentiel de leur revenu, ils payent proportionnellement plus que les plus favorisées. Cette distorsion n'est pas corrigée par l'impôt sur les revenus, peu progressif puisqu'il n'existe que deux tranches, (15 % et 27,5 %). L'injustice est également visible au niveau des impôts locaux. La taxe d'habitation des plus pauvres représente 1,8 % de leurs revenus, contre 1,4 % pour les plus riches. «La taxe sur les palais est proportionnellement moins élevée que celle des favelas», ironise Marcio Pochmann.
L'Ipea recommande au gouvernement une refonte de l'impôt sur le revenu, et la mise en place d'un impôt sur les grandes fortunes et sur les héritages, ainsi qu'une exonération de taxes sur les produits de base farine, lait, riz. «Aucun pays n'est parvenu à en finir avec les inégalités sociales sans refonte de la fiscalité», conclut son directeur. Lula vient d'envoyer au Parlement un projet de réforme fiscale. Sans ces propositions.