L'opération de BNP Paribas sur Fortis a transformé le paysage. Le Crédit agricole a étudié un rapprochement avec Groupama et avec la Société générale, sans succès à ce stade.
Un an après la chute de Lehman Brothers, la sortie de crise accélère les réflexions stratégiques du secteur bancaire. Les acteurs qui sont en position de force - ce qui est largement le cas des groupes français - sont de nouveau prêts à engager les grandes manœuvres.Le contexte européen est propice. Le paysage français aussi, car il vient d'être transformé par des mouvements de fond : BNP Paribas est très nettement sortie du lot, avec l'acquisition en pleine tempête du belge Fortis ; BPCE, créée cette année par les Caisses d'épargne et les Banques populaires, est encore très fragile, mais constitue un poids lourd en devenir. Cette nouvelle donne conduit à échafauder des plans en vue d'une nouvelle vague de concentrations, qui, si elle se produit, devra plus que jamais compter avec les pouvoirs publics, remis au centre du jeu par la crise.
Dans ce contexte, un article du Monde, ce lundi, sur les ambitions du Crédit agricole a jeté un pavé dans la mare. Selon le quotidien, la banque verte planche à la fois sur un rapprochement avec Groupama et sur une montée concomitante au capital de la Société générale.
Études préliminaires
Ce double projet n'en était qu'au stade des études préliminaires et des approches officieuses. Éventé, il semble déjà mort-né. Le Crédit agricole a déclaré, ce lundi, «n'avoir engagé aucune négociation et ne pas envisager de le faire». La Société générale a pour sa part assuré ne pas avoir «été approchée pour ce projet qui ne correspond pas à sa stratégie». Groupama, enfin, s'abstenait de tout commentaire.
Avec la Société générale, l'histoire du Crédit agricole est plus récente. Elle remonte essentiellement à janvier 2008, et à l'affaire Kerviel. La banque verte avait à l'époque soutenu celle de la Défense, y compris pour montrer les crocs face à BNP Paribas qui envisageait de faire main basse - enfin - sur la SocGen. Depuis, ce lien s'est traduit par le rapprochement des activités de gestion d'actifs du Crédit agricole et de la Générale. Entre les deux banques, l'axe est solide. Mais la fusion est exclue : la part de marché de l'ensemble serait trop importante dans l'Hexagone. Selon Le Monde, le Crédit agricole aurait souhaité arrimer la Société générale en montant à 30 % de son capital, grâce, notamment, aux 4 % détenus par Groupama.
Ce schéma tactique protégerait certes la banque de la Défense, mais elle y perdrait largement son indépendance et sa capacité de mouvement sans que ses actionnaires en touchent les fruits. Or, la banque de Frédéric Oudéa mise aujourd'hui sur sa mobilité dans un paysage bancaire en mouvement rapide. Elle vient de solliciter ses actionnaires à hauteur de 4,8 milliards d'euros, soit davantage que les 3,4 milliards nécessaires au remboursement de l'État. La banque a renoué avec un discours offensif. Et les restructurations à venir dans le secteur bancaire européen - on la soupçonne de s'intéresser à Dexia - et dans les pays émergents pourront lui fournir des occasions de passer à l'acte.
De son côté, le Crédit agricole offre un spectacle paradoxal. La banque verte campe sur sa puissance financière et sa force de frappe inégalée sur son marché domestique (25 % du marché des particuliers). Mais sa capacité de mouvement est entravée par sa structure qui impose que les caisses régionales en conservent le contrôle majoritaire. De plus, les échéances de sa gouvernance l'an prochain créent un climat tendu. La révélation des travaux engagés sur Groupama et sur la Société générale risque d'ailleurs de relancer l'agitation interne.