Zapatero sacrifie son ministre de l'économie sur l'autel de la crise
Le premier ministre espagnol a annoncé mardi un important remaniement de son équipe marqué par le départ de son emblématique ministre de l'Economie et des Finances Pedro Solbes, victime collatérale de la crise économique.
La crise et la lassitude ont finalement eu raison de l'emblématique ministre espagnol de l'Economie et des Finances et ex-commissaire européen Pedro Solbes, 66 ans, qui a tiré mardi sa révérence, après 30 ans de défense sourcilleuse de l'orthodoxie financière.
Victime collatérale la récession et de l'envolée spectaculaire du chômage qui frappent l'Espagne, M. Solbes cède sa place à Elena Salgado, de sept ans sa cadette, qui occupait le portefeuille des Administrations publiques.
Elena Salgado
La nomination, pressentie dès dimanche, de Mme Salgado, travailleuse discrète et efficace, a suscité des interrogations dans la presse espagnole en raison de son expérience limitée sur les thèmes économiques.
Mme Salgado, qui a occupé le portefeuille de la Santé de 2004 à 2007, pendant le premier mandat de M. Zapatero, a toutefois démontré avoir les épaules solides. Elle s'est acquittée sans accroc depuis novembre de la mise en oeuvre d'un plan de relance de 8 milliards d'euros via des travaux publics confiés aux municipalités.
Très critiqué par la droite pour son action jugée timorée face à une crise économique dont il a longtemps sous-estimé l'ampleur, Pedro Solbes avait quant à lui manifesté récemment des signes de lassitude. Il avait confié en février, sur le ton de la plaisanterie, qu'il "enviait" son collègue démissionnaire de la Justice, suscitant l'indignation des conservateurs qui exigeaient depuis son départ.
Le chef du gouvernement socialiste, José Luis Rodriguez Zapatero, soucieux de redynamiser une équipe en voie d'essoufflement à l'approche des élections européennes du 7 juin, a fini par l'exhaucer.
Au service des socialistes espagnols pendant près de 30 ans, bien qu'il n'ait jamais pris la carte du parti, M. Solbes, était "né pour cela", selon M. Zapatero, qui en avait fait son deuxième vice-président.
Rond, bonhomme, ce barbu à lunettes au ton patelin, dissimulait derrière son allure de bon père de famille et sa voix éraillée un esprit gestionnaire acéré.
Né près d'Alicante le 31 août 1942, il est entré à 20 ans dans l'administration pour ne jamais la quitter.
Il a été plusieurs fois ministre, de l'Agriculture et de l'Economie, et a mis l'Espagne sur les rails de la croissance au début des années 1990, à la fin de l'ère du socialiste Felipe Gonzalez. Avant de rejoindre la Commission européenne (1999-2004), où il s'est forgé une réputation de gardien intransigeant de la maîtrise des déficits.
De retour aux commandes de l'économie espagnole après l'élection de M. Zapatero en 2004, il a géré les dernières années du "miracle économique" espagnol, dégageant des excédents budgétaires plusieurs années de suite.
Mais la bulle immobilière espagnole a éclaté en 2008 et la crise financière internationale lui a porté l'estocade. La récession est partie pour durer jusqu'en 2010 (-3% cette année et -1% l'année prochaine, selon la Banque d'Espagne, tandis que le chômage pourrait toucher à cette près de 20% de la population active à cette échéance ( contre un taux de 15,5% en février).
M. Solbes a dû finalement laisser filer les déficits pour que le gouvernement tienne ses promesses électorales et tente de contenir la crise à coups de milliards d'euros. Un crève-coeur pour ce gardien du temple.
José Luis Rodriguez Zapatero a annoncé au total six changements au sein de ses 16 ministères, dessinant une équipe au profil politique plus marqué que la précédente, avec l'entrée de deux poids lourds du Parti socialiste (PSOE).
Le président de la région d'Andalousie (sud), Manuel Chaves, assume un rôle créé sur mesure de troisième vice-président et le portefeuille de ministre de la Coopération territoriale, consistant dans la gestion des complexes relations entre le pouvoir central et les 17 régions autonomes.
Le vice-secrétaire général du PSOE, José Blanco, hérite du ministère des Infrastructures et Transports, en remplacement de la très controversée Magdalena Alvarez.