L'Etat, premier actionnaire sans droit de vote chez BNP Paribas
L'Etat est devenu le premier actionnaire de BNP Paribas avec 17% du capital mais sans droit de vote ni volonté d'entrer au Conseil d'administration. Avantages et inconvénients de cette étrange prise de participation.
En janvier dernier, le gouvernement français décide d'assortir son plan de soutien bancaire d'une option permettant aux banques de renforcer leurs fonds propres. Désormais, les banques peuvent améliorer leur situation financière non plus par l'intermédiaire d'une dette subordonnée mais par l'émission d'actions de préférence. Fin mars, après le feu vert donné par l'Assemblée générale de la BNP, l'Etat, via la Société de prise de participation de l'Etat (la SPPE), souscrit à 187 millions d'actions de préférence pour un montant de 5,1 milliards d'euros. Il devient ainsi le premier actionnaire de la BNP devant AXA (4,83%), mais n'a aucun droit de vote. Quel est alors l'intérêt pour la banque d'émettre ces actions, certes sans droit de vote, mais à la rémunération très élevée ?
Renforcer son ratio de solvabilité financière (le Tier one), le ratio le plus surveillé par les marchés, voilà l'intérêt premier pour la BNP. Par l'augmentation de capital résultant de l'émission de 187 millions d'actions de préférence, la banque renforce ses fonds propres et améliore sa situation financière. A l'inverse d'une augmentation de capital classique, le niveau d'émission des actions est moins dilutif. «Ces actions de préférences ont été émises à 27 euros, soit au niveau actuel du cours de bourse», explique-t-on au service presse. La banque aurait ainsi évité la décote d'environ 40% qui accompagne les actuelles augmentations de capital.
En contrepartie l'Etat espère bien que la BNP rouvre le robinet du crédit : 4% d'encours supplémentaire selon les termes du contrat. Mais paradoxalement cette prise de participation ne conduira pas à une modification de la gouvernance de la banque. Conformément au principe des actions de préférence, l'Etat n'a pas le droit de vote, et s'est refusé à toute ingérence dans les Conseils d'administration
Même si elle a été très critiquée, cette particularité offre pourtant un certain nombre d'avantages à l'Etat et s'apparente plus à de l'investissement qu'à de l'endettement. « En compensation, le versement des dividendes est majoré », explique Yves Marçais vendeur institutionnel chez Global Equities. Plus le temps passe, plus il deviendra coûteux à la banque de rémunérer ces actions et de les racheter.
Ainsi selon l'accord, le montant versé à l'Etat devrait être majoré de 5% chaque année. En 2009, il devrait percevoir 105% du dividende, en 2010, 110% etc... Pour le rachat de ces actions, le principe est le même, chaque année le prix sera réévalué à la hausse. A la BNP, on estime que l'Etat devrait être rémunéré à hauteur d'environ 400 millions d'euros par an. Avec des taux de rémunération de l'ordre de 7,4% en 2009, « la banque a tout intérêt à racheter rapidement ces actions qui lui coûtent bien plus cher que des actions traditionnelles», analyse Yves Marçais.
Dilution du capital et rémunération élevée de ces actions pourraient-elles expliquer la chute du titre BNP, qui a perdu plus de 7,5% mardi matin à l'ouverture avant de clôturer sur une baisse de 2,99% ? Pour les analystes financiers, cela n'aurait aucun lien :« l'annonce de cette prise de participation a été faite la semaine dernière et les cours boursiers avaient très bien réagi à cette nouvelle », rappelle Yves Marçais. Ainsi la dilution de capital aurait eu moins d'impact sur le titre que l'amélioration de la situation financière de l'organisme bancaire.
D'autres banques pourraient donc suivre. L'Etat devrait rentrer au plus vite au capital de Société Générale et du groupe Banque Populaire/ Caisse d'Epargne. De son côté, le Crédit Agricole a assuré qu'il se passerait du procédé.