Les référendums sont décidément une malédiction pour l'Union Européenne. Après le rejet du projet de constitution en 2005 par la France et les Pays-Bas, les Irlandais ont massivement rejeté le traité simplifié, 53.4% contre 46,6% des voix à l'issue du référendum de jeudi. Trente-trois des quarante-trois circonscriptions de l'île ont sanctionné le texte. Le rejet du traité a été le plus significatif dans les circonscriptions rurales et dans les zones ouvrières urbaines. Le traité de Lisbonne ne pourra donc pas entrer en vigueur comme prévu le 1er janvier 2009 comme prévu, a jugé le premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker.
Le rejet par l'Irlande du traité de Lisbonne est une «immense déception» et un «revers potentiel» pour l'Union européenne, a reconnu vendredi le premier ministre irlandais Brian Cowen, prévenant toutefois qu'il n'y avait pas de «solution miracle» dans l'immédiat. «Il est maintenant de notre devoir de réfléchir aux implications de ce vote pour l'Irlande pour que nous puissons aller de l'avant et maintenir ce pays sur la voie du progrès», a-t-il poursuivi. «Nous partageons toujours l'objectif (du traité) d'une union adaptée à ce siècle», a ajouté Brian Cowen.
Dublin est déterminé à ce que le rejet de ses électeurs ne bloque pas la réforme du fonctionnement de l'Union Européenne à 27. Le premier ministre de l'île a ainsi assuré à José Manuel Barroso que malgré le «non» quasi-certain au référendum en Irlande, le traité de Lisbonne «n'est pas mort».
«Nous espérons donc que les autres Etats membres poursuivront le processus de ratification»
Piste préliminaire probable de sortie de crise : la poursuite des ratifications du texte dans les autres pays membres. «Dix-huit Etats membres ont déjà approuvé le traité et la Commission pense que les autres ratifications devraient poursuivre leur chemin», a ainsi déclaré le président de la commission européenne. L'ensemble des capitales européennes a embrayé sur la proposition de José Manuel Barroso. «Le traité de Lisbonne a été signé par les chefs d'Etat ou de gouvernement des 27. Nous espérons donc que les autres Etats membres poursuivront le processus de ratification», ont annoncé dans une déclaration conjointe la France et l'Allemagne. Dès jeudi, l'Angleterre affirmait ainsi que quelque soit l'issue du vote à Dublin, elle adopterait le traité. Les dirigeants européens devront décider lors d'un sommet à Bruxelles la semaine prochaine comment sortir de cette impasse, qui risque de plonger l'UE dans une nouvelle crise politique.
Le taux de participation s'établit à 53,13%, soit vingt points de plus que le taux atteint en 2001 (34,8%) lors du premier traité de Nice. Cette faible participation avait été alors citée comme l'une des raisons principales de la possible défaite du «oui». Les derniers sondages donnaient le «oui» et le «non» au coude à coude, voire le «non» en tête.
Jouyet : «trouver un arrangement juridique»
Anticipant d'ores et déjà sur un «non», le secrétaire d'Etat français aux Affaires européennes Jean-Pierre Jouyet a avancé vendredi matin qu'en cas de rejet du traité, les membre de l'Union européenne devront voir «quel arrangement juridique nous pouvons trouver».»Si c'était l'hypothèse du «non» qui l'emportait, il n'y aurait plus juridiquement de traité», a-t-il rappelé sur LCI. «Le plus important est que le processus de ratification continue dans les autres pays», a souligné Jean-Pierre Jouyet, et ensuite «voir avec les Irlandais comment nous fonctionnons, quel arrangement juridique nous pouvons trouver».
Et d'assurer « qu'il y a toujours des possibilités de trouver des modes de coopération spécifique». «Le plus important est que nous nous centrions sur le développement de politiques communs sur le développement de projets existants autour des priorités que nous nous sommes fixées en tant que présidence française», a-t-il ajouté. Le secrétaire d'Etat aux Affaires européennes a de toute manière exclu le départ de l'Irlande de l'UE, car «vous ne pouvez pas sortir un pays comme l'Irlande qui y est depuis 35 ans», tout comme il a écarté l'idée d'un nouveau traité.