Le ralentissement actuel de la vitesse d'effondrement de l'économie mondiale, qui « crée » les « bonnes nouvelles » (1), n'a été rendu possible que par l'immense effort de soutien financier public mondial des derniers douze mois (2). Mais le « temps gagné » grâce à l'argent des contribuables du monde entier aurait dû être consacré à la remise à plat du système monétaire international puisqu'il est au cœur de la crise systémique actuelle (3). Pourtant, en-dehors de considérations cosmétiques (4) et d'immenses cadeaux faits aux banques américaines et européennes, rien de sérieux n'a été entrepris et pour l'avenir, le chacun pour soi s'impose désormais (5).
Des statistiques incohérentes reflètent une économie mondiale chaotique
Mais en attendant, comme anticipé dans les précédents GEAB, plus personne ne peut désormais reconstruire d'images cohérentes de la réalité économique mondiale actuelle à l'aide des statistiques macroéconomiques de plus en plus contradictoires ou tout simplement aberrantes (12). A force de manipuler les données et les instruments de mesures (13) et de se limiter au Dollar US comme étalon de valeur alors que ses variations sont de plus en plus chaotiques (14), ni les gouvernements, ni les institutions internationales, ni les banques (15) ne savent plus dans quelle direction le système mondial évolue. La lecture des médias reflète d'ailleurs bien ce chaos qui plonge leurs lecteurs et auditeurs dans des abimes de perplexité : selon les jours, voire dans la même journée, se succèdent des informations contradictoires sur la finance, l'économie ou la monnaie. Gouvernants, chefs d'entreprise, salariés, … économistes ou analystes … en sont réduits au pari pascalien pour évaluer les prochains mois.
Evolution globale de la production, du commerce et des prix à la consommation (2000 – 2009) Source : BRI, 2009
Des acteurs économiques et des dirigeants politiques « déboussolés »
. l'évidence du chômage de masse, notamment en fin d'indemnisation et ses conséquences désastreuses sur la stabilité politique et sociale des pays
. l'explosion du nombre de faillites d'entreprises, de collectivités, … et des déficits publics de toute nature
. et bien entendu les conséquences de l'ensemble sur le Dollar, les bons du Trésor US (et le Royaume-Uni en dommage collatéral) (22).
La première vague a déjà pleinement atteint le rivage de la fin de l'été 2009. La seconde est en cours. Et la troisième commence à être bien visible.
Toujours est-il que si la zone Euro et l'Asie en général sont mieux placés pour faire face à l'impact de ces vagues (comme analysé en Octobre dernier dans le GEAB N°28), elles ne sont pas non plus en mesure de rebondir. Néanmoins, c'est sur les Etats-Unis, le Dollar et les Bons du Trésor US d'une part, et le Royaume-Uni et la Livre d'autre part, que les conséquences de ces trois vagues vont s'exercer brutalement. Le rêve estival a lui aussi une fin !
En revanche, pour ceux qui ont encore les moyens de voyager, les vacances peuvent continuer car hôtels, compagnies aériennes, clubs de vacances … bradent les prix à des niveaux jamais vus. Un autre signe évident de « reprise » !
Notes:
(1) Par exemple, parler en pourcentage fait partie de l' « euphorisation » de l'été 2009. Ainsi, nombre de banques dont la valeur en bourse était tombée proche de 0 ont-elles pu clamer ces derniers mois des « rebonds » de +200%, +300% ou + 500%. Il suffit par exemple de consulter l'évolution des cours de Natixis, Citi ou Royal Bank of Scotland, pour comprendre le piège : regagner 500% quand l'action est tombé à 1, cela vous fait 5 … ce qui vous laisse toujours une perte de 40 si vous l'avez acheté il y a 2 ans (ou si vous avez emprunté contre cette garantie).
(2) L'annonce par la France que l'état prolonge jusqu'à la fin 2010 son soutien aux banques en est une parfaite illustration. Source : Reuters, 13/09/2009
(3) Voir le communiqué publié par LEAP dans le Financial Times à la veille du Sommet du G20 de Londres en Avril dernier.
(4) La « chasse aux bonus des traders » est une action moralement salutaire, mais elle ne doit pas faire oublier qu'ils ne sont que les « corsaires » des banques qui les emploient et des places financières qui hébergent ces dernières. Ce sont leurs employeurs et leurs hébergeurs qui leur accordent leurs « lettres de marque » (ou devraient-on dire de bonus ?) et qui les autorisent à écumer les océans de la finance mondiale. Limiter les bonus au montant de leur salaire obligerait les banques à les employer en tant que capitaines aux longs cours, au lieu de flibustiers.
(5) Source : Times, 02/09/2009
(6) Aux Etats-Unis, le rythme réel d'accroissement du chômage continue à s'établir entre 600.000 et un million de personnes par mois si on y intègre tous ceux qui cessent de chercher un emploi (source : CNBC/New York Times, 07/09/2009). Et, pour avoir un aperçu de la vague socialement explosive qui frappe l'économie US, en Californie, depuis le 1er Septembre, ce sont 143.000 chômeurs supplémentaires qui ont épuisé leurs droits (avec leurs familles, cela fait près d'un million de personnes dans la détresse … pour le mois en cours) – source : MyBudget360, 02/09/2009. En Europe, en Asie, … partout les taux de chômage s'orientent vers un dépassement des pics historiques modernes d'ici la fin 2009 (avec 5,7%, le Japon a déjà franchi son seuil historique en Juillet – source : Japan Times, 08/09/2009) ... et ce malgré des manipulations tous azimuts pour faire baisser les chiffres.
(7) A titre anecdotique, il y a eu plus de faillites bancaires aux Etats-Unis entre la sortie du GEAB N°36 (15 Juin 2009) et celle du GEAB N°37 (15 Septembre 2009) que dans toute l'année 2008, dont 2 des quatre plus importantes de l'année. Mais évidemment, les médias ne peuvent pas titrer sur la grippe A et sur ces faillites en même temps. Il en est de même pour le taux de faillite des entreprises américaines qui atteint son plus haut historique à 12,2% (source : Yahoo, 09/09/2009). En Espagne, le nombre de faillite pour le premier semestre 2009 est équivalent à trois fois celui de toute l'année 2008 (source : Spanish News, 06/08/2009). En France, le patronat s'attend à 70.000 faillites d'entreprises d'ici la fin de l'année (source : Capital, 02/09/2009).
(8) L'affaiblissement accéléré du Dollar US crée un nouveau stress monétaire mondial et la prochaine demande, par l'administration Obama, d'augmentation de 1.500 milliards USD du plafond d'endettement fédéral US autorisé ne risque pas de calmer la fuite hors de la devise US. Le plafond de 12.000 milliards USD d'endettement est en effet en train d'être atteint. Sources : Wall Street Journal, 12/09/09 ; Bloomberg, 08/09/2009 ; Wall Street Journal, 12/09/09
(9) Nous avions indiqué qu'une telle « fenêtre d'opportunité » existait entre le printemps et l'été 2009. Cette fenêtre est désormais fermée.
(10) Voir GEAB N°22, 02/2008
(11) Voir GEAB N°32, 02/2009.
(12) Comme les baisses du chômage américain et français du début de l'été ou les taux de croissance de la production chinoise. Sources : New York Times, 10/08/2009 ; Expansion, 27/07/2009 ; Wall Street Journal, 25/05/2009
(13) Il s'avère très utile de lire l'article de Marion Selz intitulé « Les statistiques, un service public détourné » traintant d'un récent ouvrage collectif réalisé dans l'anonymat par des statisticiens français au titre évocateur « Le grand trucage : comment le gouvernement manipule les statistiques » . Nul doute qu'en cette période de crise globale, les informations dévoilées s'appliquent à tous les gouvernements de la planète. Source : La vie des idées, 02/09/2009
(14) Quand le 15 Février 2008, dans le GEAB N°22, nous avions annoncé que l'on s'orientait vers un « Dollar carry-trade », nombreux étaient ceux qui trouvaient impensable une telle évolution. Pourtant aujourd'hui, c'est exactement ce qui se passe sur les marchés monétaires. Source : Le Monde, 12/09/2009
(15) Qui se sont empressées d'obtenir en Avril 2009 (source : Bloomberg, 02/04/2009) le droit de revenir au système de « juste valeur » (j'estime que mon actif vaut 100) au lieu de maintenir la valorisation de leurs actifs au « prix du marché » (sur le marché, ton actif vaut 10)… et donc persistent à garder dans leurs bilans des actifs dont ils ne savent plus du tout ce qu'ils valent réellement; notamment parce qu'ils soupçonnent fort justement ces actifs de ne plus valoir que 10% ou 20% de leur « juste valeur ». Les campagnes et les villes des Etats-Unis, du Royaume-Uni, d'Espagne, de Lettonie, du Japon, de Chine, … sont ainsi pleines de maisons, d'appartements et d'immeubles que personne n'achète car leurs prix sont artificiellement maintenus par les banques très au-dessus des prix du marché, afin que leurs bilans ne fassent pas apparaître qu'elles sont en fait insolvables car leurs actifs sont presque tous « pourris ». Les banquiers aussi tentent de gagner du temps, espérant un retour au monde d'avant. Sont-ils de grands enfants nostalgiques de leur âge d'or? Ou plutôt de graves délinquants qui mettent en péril la société ? L'avenir va prochainement trancher au cours de la phase de dislocation géopolitique globale.
(16) Dans le prochain GEAB, le N°38 qui paraîtra en Octobre, nous ferons une mise à jour de nos anticipations par pays et grandes régions du monde, incluant bien entendu un bilan concernant les cessations de paiement des Etats-Unis et du Royaume-Uni.
(17) Avec un record d'émissions obligataires en Europe (1.100 milliards € pour la zone Euro en 2009, et plus de 250 milliards € pour le Royaume-Uni) , et un déficit fédéral de 9.000 milliards USD sur les dix ans à venir, aucun doute sur l'aspect incontrôlable de l'affaire. Source : Yahoo/Reuters, 04/09/2009 ; CBS, 25/08/2009
(18) Aux Etats-Unis, en Europe ou en Chine également. Sources : Reuters, 08/09/2009 ; Financial Times, 06/09/2009 ; BBC, 26/07/2009 .
(19) Au sujet des banques, notre équipe recommande chaudement la lecture du remarquable article de Matt Taibbi, « A l'intérieur de la grande machine à bulle américaine » paru dans Rollingstones le 02/07/2009. Il détaille l'histoire de Goldman Sachs et apporte un éclairage essentiel sur les pratiques financières et le rôle central de cette établissement financier dans la crise financière actuelle. A la manière des défuntes compagnies des Indes, ou des ordres templiers, il est probable que d'ici cinq à dix ans maximum le pouvoir politique américain, face à l'effondrement socio-économique du pays et sous la pression populaire, sera obligé de démanteler cette institution qui parasite désormais l'action publique à tous les niveaux.
(20) In fine, ces indicateurs reposent tous sur la mesure de la valeur qu'est le Dollar US. Or si on rapportait la variation de son taux de change sur un écran semblable à celui d'une boussole, on verrait l'aiguille osciller de mois en mois entre le Nord, le Sud, l'Est ou l'Ouest. Pas étonnant que l'ensemble des acteurs politiques, économiques et financiers mondiaux soient donc « déboussolés ».
(21) Napoléon aussi croyait « dur comme fer », lors de la bataille de Waterloo, que la chance allait lui sourire une fois de plus et qu'il allait recevoir un renfort ami (Grouchy) au moment décisif du combat. Hélas, la troupe tant attendue, dont la poussière montrait la progression rapide, s'est avérée être celle d'un renfort ennemi (Blücher). Tout le monde connaît la suite ; et nous ne sommes pas certains que les dirigeants du G20 soient des stratèges aussi expérimentés que l'était Napoléon.
(22) En ce domaine la crise fait parfois preuve d'un «humour très britannique », tout en prouvant qu'on est loin d'avoir vu toutes ses conséquences, puisque Londres doit désormais s'attendre à devoir payer une lourde addition pour sauver de l'effondrement tout son petit réseau de paradis fiscaux. Les îles Caïmans par exemple, ne peuvent même plus payer leurs fonctionnaires. Nul doute que cette perspective va ravir les contribuables britanniques ! Autrement ces îles pourront toujours avoir recours à une idée simple : faire payer des impôts. Source : Guardian, 13/09/2009