[ 30/04/09 ]
Les syndicats espèrent un 1er Mai « grandiose » mais restent prudents dans leurs prévisions. Le gouvernement veut banaliser la mobilisation. Il mise sur les divergences des centrales sur les suites à donner au mouvement.
Tous ensemble, mais à combien ? A la veille des manifestations du 1er Mai, qui réuniront les huit centrales pour la première fois, les syndicats restent prudents. Après avoir réuni plus d'un million de personnes dans les rues le 29 janvier puis le 19 mars, ils savent que la barre sera très difficile à franchir à nouveau lors de cette troisième journée d'action contre la politique gouvernementale face à la crise. Certes, 71 % des Français soutiennent le mouvement, selon un sondage BVA-Orange pour « l'Express », et la fièvre sociale devrait inciter à rejoindre les quelque 280 cortèges attendus dans toute la France. Mais la perspective d'un week-end de trois jours et la météo qui s'annonce maussade demain laissent planer des incertitudes. Les derniers défilés massifs du 1er Mai remontent à 2003 et, sur fond de réforme des retraites, les syndicats n'avaient alors réuni « que » 165.000 personnes (selon la police).
La CGT a beau ambitionner « un 1er Mai grandiose » et réclamer « une vague de fond irrésistible », les centrales savent donc que le pari de miser sur un jour férié est audacieux. Au-delà de la course au chiffre, elles veulent toutefois en profiter pour attirer de nouveaux publics, comme les familles et les salariés, notamment dans les PME, pour qui il est plus difficile de défiler un jour ouvré. « Il ne faut pas simplement regarder des chiffres, mais le mouvement qui prend corps », explique Michèle Biaggi (FO). Conscients aussi que le 1er Mai a peu de chances de déboucher sur de nouveaux gestes du gouvernement, les syndicats ont déjà le regard tourné vers la suite du mouvement. Dès lundi, l'intersyndicale (CGT, CFDT, FO, CGC, CFTC, FSU, Unsa et Solidaires) se réunira pour trancher. Les discussions seront âpres. FO juge venu le temps de passer à « une grève de 24 heures », mais la CFDT, la CGT et la CFTC ne croient pas à une telle action et s'y opposent fermement. Dans ces conditions, le plus probable reste que les syndicats s'entendent sur une nouvelle date de mobilisation nationale d'ici à fin juin.
Une formule prudente
L'exécutif, qui ne veut ni aller au-delà des mesures annoncées le 18 février, ni augmenter le coût du travail - Brice Hortefeux a exclu un coup de pouce au SMIC - ni reculer symboliquement sur le bouclier fiscal, compte de fait sur une moindre affluence et, surtout, sur les divergences entre centrales sur la suite du mouvement. La communication autour du 1er Mai doit être abordée ce matin entre les ministres du « G6 » et le secrétaire général de l'Elysée, Claude Guéant.
Hier, la tendance était à la banalisation. A l'Elysée, on insistait sur la « tradition » de mobilisation ce jour-là et on envisageait de ne dépêcher aucun membre du gouvernement sur un « 20 heures », contrairement au 19 mars. Dans l'attente d'une décision, le ministre du Travail avait lui opté pour une formule prudente : « Une journée de tradition dans un contexte d'exception ». Banaliser sans minimiser afin de ne pas humilier les syndicats. Conscients qu'ils ont besoin d'interlocuteurs pour limiter les débordements, François Fillon et Brice Hortefeux n'ont cessé de louer ces derniers jours « le sens des responsabilités » des leaders syndicaux. Toute la stratégie consiste à tenter de convaincre que le gouvernement est « aux côtés » des Français frappés par la crise - en proposant notamment des médiations comme dans le dossier Caterpillar - tout en discréditant les auteurs de séquestrations ou de saccages. Le match se joue devant l'opinion.