Le Japon victime d'une pénurie de beurre
02/05/2008 | Mise à jour : 20:09 | Commentaires 7
Au Japon, la plupart des grandes surfaces ne sont plus approvisionnées en beurre. Crédits photo : AFP
Loin de l'autosuffisance alimentaire, le pays subit de plein fouet la crise mondiale.
«Le Japon n'a plus de beurre» : cette nouvelle qu'on croirait d'un autre âge s'étale en une des quotidiens japonais depuis plusieurs jours. La menace de pénurie couvait depuis des mois. Les grands groupes laitiers nippons ont d'abord rationné les commerçants utilisant le beurre dans leurs produits. Mais depuis mars, les ménages sont touchés. La plupart des grandes surfaces ne sont plus approvisionnées ; les autres limitent la distribution de ce nouvel « or jaune » à une plaquette par personne.
Les vaches au régime
Les raisons de cette pénurie sont à chercher hors du Japon. Le principal fournisseur de lait du pays, l'Australie, a vu sa production chuter brutalement l'an dernier en raison d'une sécheresse sans précédent. Quant aux producteurs laitiers nippons, ils doivent mettre leurs vaches au régime : les céréales dont ces dernières se nourrissent sont de plus en plus chères et de plus en plus rares. Les modifications des habitudes alimentaires des consommateurs Chinois, dont les goûts et les besoins rejoignent ceux des Occidentaux, font flamber les cours. Et plusieurs producteurs de céréales, comme le Vietnam, la Thaïlande et la Chine, limitent désormais leurs exportations afin de parer à une éventuelle crise intérieure. Mercredi, le ministre de l'Agriculture japonais en a appelé, conjointement avec son collègue suisse, à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) afin qu'elle limite les capacités des nations à interdire leurs exportations agricoles.Le beurre n'a pas dans l'alimentation nippone la place de choix qu'il occupe en Occident. Mais cette crise illustre la vulnérabilité de l'Archipel, premier importateur net de denrées alimentaires, face à la hausse mondiale des cours des denrées agricoles. Le Japon a complètement raté sa « révolution verte », atomisant ses campagnes en miniparcelles non rentables mais subventionnées, cultivées par des paysans du dimanche. Selon l'OCDE, les fermiers japonais reçoivent 53 % de leurs revenus du gouvernement. Le pays a aujourd'hui un taux d'autosuffisance alimentaire de 40 %, soit le plus bas taux de tous les pays industrialisés. Totalement dépendant des autres, il refuse par ailleurs d'ouvrir son marché sur quelques denrées de base, comme le riz, où le Japon assure ses besoins. Mais à quel prix ! Le riz Japonica, parfaitement cultivable ailleurs qu'au Japon, coûte cinq fois plus cher que le prix moyen mondial du riz, et toute importation est en pratique impossible. « Jusqu'à maintenant, le Japon pouvait acheter sa nourriture partout dans le monde parce que ses consommateurs étaient prêts à payer. À l'avenir, il sera peut-être impossible de nous approvisionner même s'il nous reste de l'argent » , prédit Yasuhiko Nakamura, qui préside le Conseil sur l'éducation alimentaire du gouvernement.