L'euro propulsé au plus haut de l'année face à un dollar vacillant
[ 03/06/09 ]
La monnaie unique a franchi 1,43 dollar hier, pour sa quatrième séance de hausse d'affilée. L'euro profite des inquiétudes sur la stratégie de sortie de crise de la Fed et le risque d'une dérive inflationniste aux Etats-Unis. Le discours de Ben Bernanke aujourd'hui sera très suivi.
La monnaie unique a battu un nouveau record annuel hier en séance, à 1,4331 dollar. L'euro s'appréciait alors de 1,21 %, poursuivant son ascension face au billet vert pour la quatrième séance d'affilée. La devise européenne évolue sur son plus haut depuis décembre 2008. Mardi, les nouvelles économiques en provenance du Vieux Continent n'étaient pourtant pas de nature à provoquer ce mouvement : le taux de chômage de la zone euro a grimpé à 9,2 % en avril, quasiment son plus haut niveau depuis dix ans. Comme les jours précédents, la tendance sur le marché des changes était en fait aiguillée par le dollar.
Le taux de change effectif du billet vert - qui compare le dollar aux six autres principales devises mondiales - a reculé à 78,43 au plus bas de la journée, en baisse de 0,9 %. Il faut remonter au 22 septembre 2008 pour observer une parité plus faible. « Le marché exprime ses craintes sur la stratégie de sortie de crise aux Etats-Unis et l'éventuel retour de l'inflation, », résume David Deddouche, chez Société Générale.
Nombreuses interrogations
L'amélioration des indicateurs ces dernières semaines, avec notamment l'ISM manufacturier et la consommation des ménages lundi, entretient l'idée que la reprise est en vue et soulève ainsi de nombreuses interrogations sur la Réserve fédérale. Le marché s'inquiète de la capacité de la Fed à reprendre rapidement les liquidités massives qu'elle a injectées pour sortir de la crise. Le gonflement de son bilan, la monétisation de la dette nourrissent les peurs d'un redémarrage de l'inflation, comme en témoignent les récentes tensions très fortes sur les taux longs.
« En outre, un débat sur l'objectif d'inflation aux Etats-Unis a vu le jour récemment - un ancien du FMI déclarant même qu'il faudrait viser 6 % au lieu de l'objectif implicite actuel de 2 % », note le stratège de la Société Générale.
Dans ce contexte, les paroles de Ben Bernanke, le patron de la banque centrale américaine, sont suivies de près. Peu disert la semaine passée malgré les tensions obligataires, celui-ci pourrait aujourd'hui donner des indices intéressants lors de son discours devant le Congrès.
« Le marché des changes est en ce moment fréquemment animé par des nouvelles concernant l'incapacité des Etats-Unis à honorer sa dette et le risque de perte de sa note AAA, ajoute l'équipe de Dresdner-Commerzbank. Il y a par ailleurs de nouveau des discussions sur une sortie de certains pays arabes, notamment le Qatar, du système d'indexation au dollar si celui-ci faiblit. »
Un retournement est possible
Même si ces deux arguments sont remis en cause, ils témoignent d'une confiance qui vacille. Les positions spéculatives - mesurées par les contrats à terme - montrent d'ailleurs que le marché est actuellement vendeur de dollars.
Cet environnement est toutefois susceptible de se retourner si la croyance des investisseurs dans une reprise prochaine s'effrite et si les marchés boursiers corrigent une partie des gains spectaculaires engrangés depuis mars. Le dollar a en effet affiché depuis la crise une corrélation (inverse) assez nette avec les marchés d'actions.
Autrement dit, le regain d'appétit pour le risque s'est traduit par une désaffection pour le billet vert. L'un des catalyseurs majeurs de la semaine sera, vendredi, le rapport mensuel sur l'emploi aux Etats-Unis. Des chiffres décevants pourraient mettre à mal l'optimisme ambiant en relançant les craintes d'une consommation américaine durablement affaiblie. Dans ce cas, paradoxalement, le dollar pourrait regagner les faveurs des cambistes.