L'ampleur des déficits américains et le risque d'un effondrement du dollar continuent de susciter l'inquiétude de la communauté économique et financière internationale. L'euro s'est échangé durant la semaine entre 1,3708 et 1,4002 dollar, avant de finir vendredi 19 juin à 1,3937.
Le Trésor américain prévoit d'emprunter encore 104 milliards de dollars (74,8 milliards d'euros) la semaine prochaine. Dès novembre 2008, des économistes japonais se demandaient si les Etats-Unis n'allaient pas être contraints d'emprunter dans une autre devise que le dollar. Dans une note publiée mardi 16 juin, Mansoor Mohi-uddin, stratège sur les changes chez UBS, raconte que lors de son récent déplacement en Chine, des experts lui ont demandé si l'administration Obama n'allait pas internationaliser sa devise d'émission si un jour le marché américain ne parvient plus à absorber les nouvelles émissions de bons du Trésor. Une preuve de plus de l'inquiétude manifeste des Asiatiques à l'égard des actifs américains - et des fluctuations du dollar - dont ils sont les premiers créanciers étrangers.
"En novembre 1978, l'administration Carter a émis des bons du Trésor américain en marks et en francs suisses, rappelle M. Mohi-uddin. Mais il s'agissait alors de construire les réserves de change des Etats-Unis, plutôt que de rendre la dette américaine plus attractive auprès des investisseurs étrangers en neutralisant le risque de change."
Les chances que l'administration Obama émette des emprunts en devises lui paraissent minces actuellement. "Premièrement, poursuit-il, cela signalerait que les autorités américaines n'ont pas confiance dans le fait de pouvoir financer complètement le déficit au travers des emprunts en dollars. Deuxièmement, les Etats-Unis n'ont pas besoin de renforcer leurs réserves de change alors que les interventions sur le marché des changes sont coordonnées avec les pays du G7."
Selon les économistes de la banque japonaise Nomura, le dollar continuera d'être influencé par l'évolution de la dette américaine dans les prochains mois non seulement, car elle devrait encore s'accroître mais surtout parce qu'elle est massivement détenue par des investisseurs étrangers (à 61 % contre 15 %-20 % pour l'Europe).
DEVISE DE RÉFÉRENCE
L'agence d'évaluation financière Standard & Poor's s'est montrée rassurante en affirmant mercredi qu'elle n'entrevoyait pas de menace à court terme sur la note de dette des Etats-Unis, la meilleure possible ("AAA"). L'agence a néanmoins prévenu que "si le poids de la dette nette publique excédait celui d'autres Etats notés AAA pendant une période durable, avec peu de perspectives de mesures politiques pour remettre cette dette sur une trajectoire baissière crédible, ou si le dollar commençait à perdre son statut de devise de référence, alors la note pourrait être mise sous pression", indique-t-elle.
La tentative des pays émergents visant à s'extraire de l'influence des Etats-Unis et du dollar en créant une nouvelle monnaie de réserve n'a pas abouti. "Nous allons sans doute assister à la création d'une monnaie de réserve supranationale (...) utilisée pour les règlements internationaux", avait pourtant assuré Dmitri Medvedev, le président russe, mardi, peu avant le premier sommet des quatre grands pays émergents, les BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine) à Ekaterinbourg en Russie. Dans le communiqué final, nulle mention du dollar. Tout juste peut-on lire qu'il est "nécessaire d'avoir un système de devises stable, prévisible et plus diversifié".
Selon certains observateurs, il aurait été difficile d'en attendre davantage dans la mesure où les réserves de change de ces pays étant majoritairement libellées en dollar, il n'était pas non plus dans leur intérêt de le faire chuter brutalement. "Tout le débat sur la création d'une nouvelle monnaie de réserve crée néanmoins de l'incertitude en particulier pour les détenteurs d'actifs en dollars", estime-t-on chez Goldman Sachs.
Les doutes exprimés par les pays émergents auraient pu être l'occasion pour l'euro de prendre son essor, de se propulser sur la scène internationale pour dépasser le dollar dans les réserves de change. Mais les Européens ne semblent pas avoir envie actuellement d'une monnaie trop forte qui handicaperait tous les espoirs de reprise pour 2010.