Le Président de la République met en avant la différence entre le niveau du taux de refinancement européen aux 2% des Américains et dénonce le "dumping monétaire" que subissent les entreprises européennes.
Nicolas Sarkozy accentue sa critique envers la BCE. Le chef de l'Etat français a critiqué samedi la décision de la Banque centrale européenne de relever ses taux directeurs et a dénoncé le "dumping monétaire" que subissent les entreprises européennes exportatrices. Lors d'un Conseil national de l'UMP consacré à l'Europe, il a dit respecter l'indépendance de la BCE mais s'est demandé s'il était raisonnable de porter les taux européens à 4,25%, comme la banque centrale l'a fait jeudi, "alors que les Américains ont des taux à 2%".
"J'ai été de ceux qui ont voté l'indépendance de la Banque centrale européenne et je ne le regrette pas, j'ai été de ceux qui ont voté la création de l'euro et je ne le regrette pas (...). Les autorités monétaires ont fait un travail remarquable pour mettre en place l'euro", a-t-il dit. Déplorant le "dumping social" auquel l'Europe est confrontée, il s'est demandé si "on doit subir en plus un dumping monétaire qui met à genoux les entreprises européennes qui veulent continuer à exporter". "Cette question là doit être posée de "manière respectueuse et démocratique", a-t-il ajouté.
Vendredi, le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, avait défendu la hausse des taux décidée jeudi par la Banque centrale européenne face aux réserves exprimées par certains responsables politiques du Vieux continent, et notamment Nicolas Sarkozy. "J'aurais trouvé très difficile pour la BCE de ne pas prendre la décision qu'elle a prise", a indiqué M. Barroso lors d'une interview donnée à quelques journalistes. "Cela aurait été surprenant d'un point de vue économique", a-t--il ajouté, soulignant que l'inflation "est vraiment une menace" qui "peut mettre en danger l'économie mondiale".
"Cette politique (de la BCE) est correcte", a-t-il insisté. "Bien sûr, il y a toujours des points de vue différents, mais cette approche est la bonne, et c'est la position de la Commission". "S'agissant de l'inflation, j'ai plus confiance dans les banquiers centraux que dans les responsables politiques, car les banquiers centraux ne sont pas poussés par des pressions politiques à court terme", a-t-il ajouté.
A la veille du début de la présidence française de l'Union, Nicolas Sarkozy, avait estimé lundi sur France 3 que la BCE "devrait se poser la question de la croissance économique" et "pas simplement de l'inflation". "L'inflation d'aujourd'hui est due à l'explosion des matières premières, alors on ne va pas m'expliquer que pour lutter contre l'inflation il faut monter les taux d'intérêt !", a lancé le président de la République. "Parce que si vous indexez les taux d'intérêt européens sur l'évolution du baril de pétrole, vous pouvez monter jusqu'au sommet les taux d'intérêt, vous ne ferez pas baisser pour autant le baril" de pétrole, avait-il jugé, déplorant aussi le niveau élevé de l'euro par rapport aux autres devises.
Dimanche, la ministre de l'Economie, Christine Lagarde, s'était déclarée "pas convaincue de l'opportunité" de voir se creuser encore l'écart entre les taux d'intérêt américains et européens. "Ce qui est important ce sont les équilibres; aujourd'hui on a un gros déséquilibre entre la politique monétaire américaine avec un taux qui est à 2% et la politique monétaire européenne", avec un taux directeur de la BCE à 4%, avait souligné Mme Lagarde. Pour le secrétaire d'Etat aux affaires européennes, Jean-Pierre Jouyet, si l'écart de taux grandissait encore entre les taux américains et européens, "il y aurait effectivement un risque pour la croissance, que nous devrions prendre en considération".
En Espagne, dont la croissance ralentit rapidement, des responsables politiques ont également émis des doutes sur la pertinence de remonter les taux. Fait plus rare, le ministre allemand des Finances, Peer Steinbrück, aurait lui aussi exprimé des réserves, selon le magazine Der Spiegel. Le taux d'inflation a grimpé à un record de 3,7% en un an en mai dans la zone euro, toujours poussé par le pétrole cher et l'envolée des prix des aliments. (source AFP)