Manifestation contre la hausse des prix du pétrole et des denrées alimentaires à Chandigarh, une ville au nord de l'Inde.
© Ajay Verma / Reuters
Manifestation contre la hausse des prix du pétrole et des denrées alimentaires à Chandigarh, une ville au nord de l'Inde.
NEW DELHI CORRESPONDANCE
Mardi 29 juillet, la Banque centrale indienne a relevé son taux d'intérêt directeur à 9 % et augmenté celui des réserves obligatoires des banques. Alors que l'inflation a atteint, au mois de juillet, un niveau inégalé depuis treize ans, le gouverneur de la Banque centrale indienne, Dr Yaga Venugopal Reddy, s'est montré prudent sur les perspectives d'un ralentissement de la hausse des prix. Malgré le durcissement à plusieurs reprises de la politique monétaire, l'inflation ne cesse de progresser. Elle est passée de 4,76 % en mars 2007, à 7,75 % en mars 2008 pour finalement atteindre les 11,98 %, le 19 juillet. Dans un pays où 500 millions d'habitants vivent avec moins de 2 dollars par jour, la hausse des prix menace les chances de victoire du gouvernement aux prochaines élections, prévues en mai 2009.
La surchauffe de l'économie indienne ne peut être tenue pour seule responsable de l'augmentation des prix. Au deuxième trimestre 2008, la progression de 5 % des indices de production industrielle a diminué de moitié par rapport à la même période de l'année précédente. Dans le secteur des infrastructures, l'indice n'a enregistré qu'une hausse de 3,5 %, contre 6,9 % un an auparavant. D'après les prévisions de la Banque centrale indienne, la croissance ne devrait pas dépasser les 8 % en 2008, inférieure à la moyenne de 8,8 % des cinq dernières années.
ENVOLÉE DES DÉPENSES PUBLIQUES
Dans une note de conjoncture publiée lundi 28 juillet, la Banque centrale indienne invoque des causes extérieures à l'envolée des prix. " L'inflation est liée, en partie, aux pressions sur les cours du pétrole, les prix des métaux de base et de certaines denrées alimentaires."
L'inflation en Inde a été aussi nourrie par l'accroissement de la masse monétaire, bien supérieur aux prévisions de la Banque centrale. En un an, celle-ci a gonflé de 20,5 %, à un rythme presque équivalent à celui de l'année précédente. Cette offre abondante de monnaie est essentiellement liée à une hausse des dépenses publiques et surtout des crédits bancaires. Au 4 juillet, les prêts avaient augmenté de 25,9 % sur un an, un rythme plus soutenu qu'en 2007. Ce sont surtout les crédits aux industries qui alimentent cette progression. Dans sa note de conjoncture, la Banque centrale précise que "la demande en investissements reste forte, passant de 16 % du PNB (produit national brut), sur l'année fiscale 2002-2003, à 36 % du PNB aujourd'hui".
Et puis à moins d'un an des élections législatives, le gouvernement n'a pas vraiment cherché à freiner ses dépenses. Il s'est engagé à rembourser 15 milliards de dollars (9,6 milliards d'euros) d'emprunts contractés par 40 millions de paysans. Il n'a pas répercuté la totalité de la hausse du prix du pétrole sur les tarifs de l'essence qui sont, dans le pays, fortement subventionnés. Il lui en a coûté 40 milliards de dollars. Le déficit budgétaire devrait atteindre cette année 6,5 % du PNB, largement au-delà de l'objectif de 2,5 % que le gouvernement s'était fixé.
Malgré le relèvement des taux directeurs, les économistes ne s'attendent pas à un ralentissement de l'inflation sur le court terme. Le département météorologique indien prévoit une mousson moins abondante que d'ordinaire. Les précipitations ont été jusqu'à présent inférieures de 2 % à la moyenne. La baisse de la production de certains produits comme le coton ou le sucre de canne devraient continuer à alimenter les hausses de prix. La Banque centrale indienne est assez pessimiste sur l'évolution dans les prochains mois des prix des matières premières agricoles mais aussi de l'énergie, et notamment du pétrole. "La hausse de l'inflation va encore durer au moins six mois", prédit Rupa Rege, chef économiste à la banque Baroda. Son taux pourrait même atteindre les 14 % d'ici à la fin de l'année 2008, d'après une étude publiée par la banque Kotak Mahindra.
Julien Bouissou